Les films de kung fu, la «blaxploitation», le cinéma d'action des années 70 et Brian de Palma, sa «rock star»: moulin à paroles et moulinette à références, Quentin Tarantino est revenu sur les sources de son oeuvre, jeudi à Cannes au cours d'une conférence très ludique.

«De Palma, Sergio Leone ou Howard Hawks m'ont influencé quand j'étais jeune et aidé à développer mon esthétique. De Palma était ma rock star!», explique l'Américain devant un millier de spectateurs qui écoutent avec attention ses monologues et rient à ses plaisanteries, comme on le fait en regardant ses films.

Après Martin Scorsese l'an dernier, Tarantino donne sa «leçon de cinéma» au festival, où il avait décroché la Palme d'Or en 1994 pour Pulp Fiction. Une leçon peu académique puisque pour lui, «faire un film à partir de rien, c'est la meilleure façon d'apprendre».

«Les écoles, c'est cher: si vous utilisez cet argent pour tourner, vous aurez au moins appris à faire un film, même s'il n'est pas extra. Et si vous êtes Robert Rodriguez, vous devenez une star!», lance-t-il dans une allusion aux débuts fracassants de son ami réalisateur avec El Mariachi (1992).

Tarantino, qui fait face à la salle, est interrogé par le critique Michel Ciment. Ses interventions alternent avec des extraits de ses films.

Veste noire et pantalon de smoking, il est vêtu comme pour un dîner de gala. Ses paroles ne sont pourtant pas celles d'un professeur docte ou d'un notable du septième art, mais bien d'un éternel adolescent de 45 ans, fou de cinéma et expert en sous-culture pop.

Les noms des réalisateurs Samuel Fuller, Mario Bava, Dario Argento ou Eric Rohmer se bousculent dans sa bouche. Ils trahissent une culture cinéphilique large et hétéroclite, qui fait la part belle au cinéma d'action des années 70, aux films de kung fu ou de la «blaxploitation» (cinéma noir américain populaire des «seventies»), influences revendiquées de Boulevard de la mort, Kill Bill et Jackie Brown.

«Mes films se partagent en deux univers, note-t-il. D'un côté ceux comme Pulp Fiction ou Reservoir Dogs, qui sont plus vrais que nature, de l'autre ceux que les personnages de Pulp Fiction aimeraient regarder, comme Kill Bill».

Tarantino fait le spectacle: son débit est celui des mitraillettes des gangsters de Reservoir Dogs et il cabotine en racontant ses anecdotes.

Après la fameuse scène du hamburger de Pulp Fiction, il mime un ami qui, de retour d'Espagne, lui avait assuré que «les burritos de Taco Bell y étaient bien plus gros qu'en Amérique».

Puis il surjoue l'excitation en soulignant qu'il préfère utiliser dans ses films des chansons déjà existantes: «Je n'ai confiance en aucun compositeur. Putain, quel mec viendrait mettre sa musique sur mes films?». Le public s'esclaffe et l'ovationne.

Il est à peine plus sérieux en se souvenant des réactions contrastées suscitées par des travaux d'études: «Le directeur de la photographie Stephen Goldblatt a détesté mais Terry Gilliam a adoré. Je me suis dit: «Ce sera ça ta carrière: soit les gens t'aimeront, soit ils te haïront»».