L'idée d'aller passer deux heures dans une classe d'école à 8h30 ne revêtait peut-être pas tout à fait un caractère enthousiasmant aux yeux de festivaliers épuisés par leur périple cinématographique des derniers jours. Quand le générique de fin d'Entre les murs a commencé à défiler, bien peu de journalistes avaient pourtant envie de quitter la classe de François Bégaudeau, le jeune prof dont le bouquin est à l'origine de ce très beau film de Laurent Cantet (L'emploi du temps).

Le cinéaste, qui cosigne le scénario avec Robin Campillo et l'auteur de l'ouvrage, a notamment eu l'idée formidable de demander à Bégaudeau, qui n'a aucune expérience en tant que comédien, de camper lui-même le rôle du prof. Ce dernier se révèle tout simplement remarquable. Il parvient en outre à instaurer un véritable dialogue - quitte à parfois prendre certains risques - avec les étudiants ados d'un collège «difficile».

Ce faisant, Cantet propose, sans didactisme aucun, un portrait de société saisissant. Véritable microcosme, la classe, qu'on suit pendant toute une année scolaire, devient en effet un espace où sont débattus des enjeux qui marquent notre époque: immigration, intégration, rapports d'autorité, relations hommes-femmes, bref, le cinéaste a trouvé dans l'approche de Bégaudeau la matière documentaire dont il avait besoin pour élaborer le film dont il rêvait sur le thème de l'éducation.

Filmé avec un sentiment d'urgence et l'envie de se tenir au plus près des protagonistes, Entre les murs, entièrement tourné avec des non-professionnels, en révèle un sacré bout sur la condition humaine.

> NOTRE CRITIQUE

Entre les murs

***1/2


Wenders déraille

Wim Wenders, lauréat de la Palme d'or en 1984 grâce à Paris, Texas et abonné notoire du Festival, revient cette année brasser ses thèmes habituels dans Palermo Shooting. Dans ce film, il s'attarde à la dérive existentielle de Finn, un photographe de renommée mondiale qui décide de tout quitter pour aller faire un reportage photo à Palerme. La première heure du film est ainsi consacrée à montrer le héros en action, de ses séances de photos de mode à ses balades en moto, où, entre deux rendez-vous, il se soûle de musique (excellente, comme toujours dans les films de Wenders). Campino, leader et chanteur du groupe allemand Toten Hosen, se révèle un brin poseur mais il a la gueule de l'emploi. Et la gestuelle d'un fauve.

Le film déraille complètement à partir du moment où Wenders fait intervenir dans le récit une dimension «parallèle». En pleine crise, Finn rencontre en effet le visage de la mort (Dennis Hopper!). Il rencontre aussi à Palerme une jeune femme (Giovanna Mezzogiorno) avec qui il échange des dialogues tellement creux et insipides qu'il n'y a alors plus rien de récupérable. Au cours d'une scène grotesque dans laquelle Finn discute avec la mort, Wenders parvient même à plaquer son discours d'une allégorie sur l'utilisation du numérique dans les images.

À la fin, quand une dédicace pour Ingmar Bergman et Michelangelo Antonioni est apparue, Palermo Shooting s'est fait copieusement huer.

> NOTRE CRITIQUE

Palermo Shooting

**

Freak show

La réplique qui a le plus fait rire les journalistes présents à la première projection de What Just Happened?, le film de Barry Levinson qui sera présenté à la soirée de clôture ce soir, est celle où le personnage principal, un producteur de cinéma interprété par Robert De Niro, a lancé ceci: «Le film est déjà sélectionné à Cannes parce qu'ils veulent des stars; il n'en ont vu que 10 minutes!» Vrai que ce cas de figure existe. À l'opposé, on présume qu'il y a aussi des films qui doivent leur sélection en compétition à Cannes à leur position géographique, ou à leur caractère vaguement exotique. On ne peut en effet expliquer autrement la présence sur la Croisette de My Magic d'Eric Khoo, un film venu de Singapour, tourné en très peu de temps avec les moyens du bord. Ce «drame réaliste» relate le parcours d'un «magicien» alcoolique qui, pour se racheter auprès de son jeune fils qui lui reproche son irresponsabilité, décide d'utiliser ses «talents» pour se faire un peu d'argent.

Pendant 75 longues minutes, on verra ce gros monsieur se faire transpercer la peau avec des aiguilles, s'étendre sur des morceaux de verre (quand il ne les mange pas!), avaler du feu, se faire enchaîner, torturer, fouetter avec des chaînes, bref, on se farcit un freak show maquillé en film d'auteur. Beurk.

NOTRE CRITIQUE

My Magic

*1/2

> RÉCAPITULONS

Two Lovers

(James Gray) ****

Un conte de Noël

(Arnaud Desplechin) ****

Waltz with Bashir

(Ari Folman) ****

Adoration

(Atom Egoyan) ***1/2

Changeling

(Clint Eastwood) ***1/2

Che

(Steven Soderbergh) ***1/2

Entre les murs

(Laurent Cantet) ***1/2

Il Divo

(Paolo Sorrentino) ***1/2

Leonera

(Pablo Trapero) ***1/2

Le silence de Lorna

(Luc et Jean-Pierre Dardenne) ***1/2

Blindness

(Fernando Meirelles) ***

Gomorra

(Matteo Garrone) ***

Linha de Passe

(Walter Salles et Daniela Thomas) ***

Synecdoche, New York

(Charlie Kaufman) ***

Delta

(Kornel Mundruczo) ** 1/2

Les trois singes

(Nuri Bilge Ceylan) ** 1/2

Palermo Shooting

(Wim Wenders) **

Serbis

(Brillante Ma. Mendoza) **

La femme sans tête

(Lucrecia Martel) *1/2

La frontière de l'aube

(Philippe Garrel) *1/2

My Magic

(Eric Khoo) *1/2

24 City

(Jia Zhangke) à voir aujourd'hui