Le réalisateur Roger Frappier et la productrice Denise Robert ont affirmé devant un comité sénatorial que le projet de loi C-10, dont une des dispositions assujettirait le financement d’une production cinématographique à sa «moralité» - est inacceptable pour la société canadienne.

Mme Robert a rappelé que Le déjeuner sur l’herbe de Manet et le roman Mme Bovary de Gustave Flaubert étaient condamnés à leur époque par la moralité mais que ces œuvres n’en sont pas moins devenus des chefs-d’œuvre universels.

«L’art doit être le miroir de la vie, a affirmé Mme Robert en citant Hamlet. Il y a de jolies choses dans la vie et il y a de moins jolies choses.» Si le comité devait décider que la violence extrême, par exemple, ne fait pas partie de la vie, a fait valoir la productrice, le Canada aurait l’air d’un pays qui imite la Chine en matière de censure.

«C’est inacceptable!», a-t-elle lancé aux membres du comité sénatorial des banques et du commerce.

Roger Frappier et Denise Robert se sont déclarés inquiets au plus haut point par le projet de laisser à un comité de fonctionnaires - avec toute la subjectivité que cela sous-entend - la responsabilité d’établir les règles du jeu et de décider des films qui pourraient ou non recevoir des crédits d’impôt.

«Ce serait un drame épouvantable que d’obliger ainsi nos créateurs à quitter le pays» si une telle loi était adoptée.

Roger Frappier a notamment souligné que le code criminel répondait parfaitement bien à la nécessité de protéger l’ordre public, notamment en regard de la pornographie infantile.

«Je ne vois pas très bien pourquoi le Canada a besoin de cette clause-là, a insisté Roger Frappier. Tout fonctionne très bien. Je ne comprends pas pourquoi on veut mettre un comité sur pieds pour accorder ou non deux ans après sa parution un crédit d’impôt à une production.»

Selon une source libérale, il semble de plus en plus évident que le Sénat va amender le projet de loi gouvernemental afin de le purger de la disposition controversée. Le sénateur libéral Mac Harb a notamment laissé entendre hier que si C-10 était adopté tel quel, il serait sans doute contesté devant les tribunaux par les milieux 
cinématographiques qui estiment qu’une telle contrainte légale de la liberté d’expression va à l’encontre de la Charte des droits et libertés.