Il aura fallu sept ans avant que son best-seller 99F devienne un film. Frédéric Beigbeder estime que l'attente en a valu la peine. Il dit même être très fier de la mise en images de son roman qu'a réalisée Jan Kounen. La Presse a rencontré l'auteur à Paris.

Q Est-ce la réalisation d'un fantasme particulier pour un écrivain que de voir son roman prendre vie sur grand écran?

R La plupart des auteurs vous diront non. Aucun écrivain ne désire être trahi. Le mode d'expression qu'est le cinéma est tellement puissant, il rejoint tellement plus de gens que la littérature, que vous aurez d'autant plus l'air d'un couillon si jamais l'adaptation est complètement ratée. Un mauvais film peut même freiner les élans de ceux qui auraient peut-être eu envie de vous lire ensuite. Au départ, j'avais franchement la trouille. Cela dit, une adaptation réussie comporte d'énormes avantages.

Q Le film a mis sept ans avant d'exister. Pourquoi une si longue gestation?

R Parce que tout le système de financement du cinéma en France est entre les mains des grandes chaînes de télévision. Qui, elles-mêmes, sont entre les mains de la publicité. Il était mieux pour nous de trouver d'autres moyens afin d'avoir les coudées franches.

Q Plusieurs cinéastes ont été pressentis au fil des ans et c'est finalement Jan Kounen qui est parvenu à concrétiser le projet...

R Je suis très fier de ce film. Jan a réussi à adapter un chef-d'oeuvre inadaptable; un livre qui a révolutionné la littérature occidentale! Sérieusement, je suis ravi car il n'était vraiment pas évident de mettre tout cela en images. Au départ, je craignais que le propos soit édulcoré, et que le film ne soit à l'arrivée qu'une comédie inoffensive ou familiale. Or, ce film est brutal, drôle, et l'aspect subversif qu'il y a dans le roman y est préservé. Je suis d'autant plus heureux du résultat que Jan en a fait une oeuvre autonome qui porte son empreinte. 99F est un vrai film de Jan Kounen.

Q Il paraît que vous avez insisté auprès de Jan Kounen pour tenir un rôle dans le film...

R Oui. J'ai l'ambition secrète de devenir un acteur «bankable». Personne n'en a plus rien à foutre des écrivains! Non mais qui a encore envie de coucher avec un auteur? Un acteur «bankable», ça attire plus. J'ai écrit 10 livres, je peux vous dire que c'est beaucoup moins bien qu'être acteur sur ce plan. Et moi, tout ce que je fais, c'est uniquement pour baiser. Alors...

Q La réalisation, ça vous dirait?

R Un écrivain est habitué à son petit monde. Il travaille seul et n'a de comptes à rendre qu'à lui-même. Quand on réalise un film, il faut convaincre trop de gens. Je regarde aller Michel Houellebecq, qui vient de réaliser pour le cinéma l'adaptation de son propre roman, et je constate qu'il doit se battre constamment à toutes les étapes de la production pour imposer ses idées. Je ne suis pas certain d'avoir envie de ça. Et puis, c'est une entreprise de malade que de mettre en scène un livre qu'on a écrit soi-même!