Il aura fallu cinq ans de travail pour que Kung-fu Panda voie le jour. Pour trouver le juste équilibre entre humour et action. Pour que les personnages, des animaux, se fassent convaincants dans leur pratique du kung-fu. Pour que l'hommage aux films d'arts martiaux ne tourne pas à la parodie. Pas facile de jongler avec le yin et le yang. Rencontre avec les maîtres d'oeuvre du projet.

Un panda qui rêve de faire du kung-fu. Mélange improbable s'il en est un. C'est exactement ce que cherchaient les réalisateurs John Stevenson et Mark Osborne, qui désiraient, pour leur premier film d'animation, jouer avec le concept de yin et de yang. Prendre deux ingrédients que tout oppose, les approcher jusqu'à ce qu'ils s'emboîtent l'un dans l'autre. Se complètent en un tout cohérent.

«Le panda est doux et moelleux. Le kung-fu est fait de mouvements violents et secs. Ce contraste et l'idée d'unir deux éléments aussi disparates nous plaisait», a indiqué John Stevenson lors de rencontres de presse qui se sont tenues la semaine dernière dans un hôtel de Beverly Hills. Bien sûr, la première tentation a été «celle de la parodie», a fait Mark Osborne. «Mais ça nous est bientôt apparu comme un cul-de-sac.»

D'autant plus que les deux hommes, le premier surtout, sont des fans finis des films d'arts martiaux. «Je travaillais au développement de The Dark Crystal la première fois que j'ai été en contact avec ce genre», se souvient John Stevenson. C'était en 1982. Jim Henson, qui menait cette barque-là, avait recommandé à ses animateurs d'aller voir tout ce qui pouvait stimuler leur imagination. «Je n'étais pas prêt à ça. Ces gens qui avaient l'air de voler, ces superhéros très humains... Je n'avais jamais rien vu de pareil.»

Il évoque aussi la splendeur de l'architecture et des paysages chinois, et le désir de... grandeur que cela a déclenché en lui et en Mark Osborne: «Tous les films d'arts martiaux que nous aimons ont été tournés en cinémascope parce que c'est la toile adéquate pour rendre l'ampleur de telles histoires. Nous avons tenu à utiliser ce procédé, qui met en relief le côté épique de l'aventure.»

L'aventure est celle de Po. Un panda sympathique qui vit dans une lointaine vallée chinoise et sert des nouilles dans le restaurant de son père. Ça, c'est dans la journée. La nuit venue, il rêve. Il rêve de maîtriser l'art du kung-fu et d'intégrer les rangs de ses idoles, les Cinq cyclones (Tigresse, Grue, Mante, Vipère et Singe) qui, entraînées par maître Shifu, protègent la vallée. Laquelle a, par les temps qui courent, bien besoin de protection: Tai Lung, le perfide léopard des neiges, s'est échappé de la prison où il croupissait depuis 20 ans et a bien l'intention de se venger de ceux qui l'ont enfermé. Po, devenu par accident ou par destin? le Dragon guerrier, devra l'affronter.

Et dans cet affrontement, comme dans les détails qui parsèment les décors, pleuvent les hommages et les clins d'oeil aux films bien-aimés des deux réalisateurs. Ici, une scène rappelant Tigre et dragon d'Ang Lee. Là, une profusion d'ors et de rouges semblant sortis de Héros de Zhang Yimou. Plus tard, dans le générique, les interprètes vocaux des deux cochons qui croisent Po dans le grand escalier menant au Palais de jade, sont appelés... les frères Shaw. Ailleurs, le méchant Tai Lung, au moment de passer à l'action, se fait craquer les os du cou comme l'ennemi de Jet Li dans Fist of Legend.

Une scène impressionnante, que celle de l'évasion du léopard des neiges. Dans laquelle le personnage se montre absolument implacable. «Nous avons fait le film en pensant aux humains en général, sans le formater pour les enfants, assure Mark Osborne. Après tout, les contes ne sont pas des histoires mièvres. Les petits aiment avoir peur... dans un environnement contrôlé et sûr. Et nous tenions à avoir un méchant vraiment méchant pour décliner d'une autre manière le yin et le yang: Po et Tai Lung sont, vraiment, à l'opposé l'un de l'autre, aussi bien physiquement que dans leur tête. Nous aimions l'idée de mettre en opposition autant de douceur et de violence.»

C'est la fée Carabosse contre la Belle au bois dormant ou le Petit Chaperon rouge contre le grand méchant loup dans l'empire du Milieu, quoi!