C'est une nouvelle génération de réalisateurs québécois: la trentaine, ils tournent leurs films avec les moyens du bord. Rafaël Ouellet est l'un d'entre eux. En 2004, il montait Les états nordiques, de Denis Côté. En 2006, il signait la direction photo du deuxième film «délinquant» de Côté, avant de tourner à son tour son premier long, Le cèdre penché. La Presse l'a rencontré à l'occasion de la sortie de son film en salle.

Le cèdre penché a été tourné «sur un coup de tête», en deux semaines, avec 5000$. «Ça s'est fait vite, mais toujours avec sérieux. Je ne veux pas faire un petit film en vidéo pas d'argent, pas de vie en festivals. Moi, je voulais vraiment qu'on sente en voyant le film que, oui il a été fait avec des petits moyens, mais avec un grand sérieux», dit Rafaël Ouellet.

Faut-il le préciser, personne n'a été payé sur le plateau, et c'est bien ce point qu'il fallait régler avec le syndicat des deux comédiennes du film (UDA) pour qu'il sorte enfin. Deux ans plus tard, c'est chose faite. Serein, Rafaël Ouellet se souvient: «J'ai dit (à l'UDA) qu'on allait faire les choses dans les règles de l'art. Ça a été plus long que prévu, mais je ne suis pas amer. Je l'ai fait sur un coup de tête, il faut vivre avec les conséquences.»

En 2006, Rafaël Ouellet tournait Le cèdre penché. À l'été 2007, Derrière moi, un film produit avec l'aide des institutions. L'été 2008 ne fera pas exception à la règle, et Rafaël Ouellet réalisera son troisième long, avec, cette fois, seulement des comédiens non professionnels. «J'ai besoin de tourner souvent, de tourner beaucoup. Il faut que ça sorte», avoue-t-il.

Boulimique, ou presque, le réalisateur se réfère au rythme de Chabrol, Bergman, Allen ou Fassbinder. «Ils en ont fait des films, dit-il. Moi, cela ne me dérange pas les petits crus, les essais manqués.» Pour le fond, Rafaël Ouellet évoque aussi Michael Winterbottom ou Gus Van Sant, auteurs de films éclectiques. «Je me sens comme ça, je ne me sens pas obligé de creuser le même sillon.»

Le cèdre penché est né sur une intuition, des émotions, des souvenirs piochés à même le décor du film - la maison familiale, le village natal, la station de radio des débuts. Derrière moi, plus scénarisé, prend racine dans le même village, avant de devenir un road movie, dont la destination est une métropole sans nom. Deux histoires qui se déroulent dans un univers féminin.

«C'est une coïncidence très directe. Je ne peux plus le cacher maintenant, mais j'ai carburé ces 15 dernières années à Bergman. C'est ancré en moi. J'ai grandi dans un milieu de femmes. Mon père est camionneur. Je le connais aussi, mais j'ai grandi avec ma mère, mes tantes, mes cousines. C'est un environnement dans lequel je suis bien», constate le réalisateur.

Son quatrième film sera une histoire de gars, promet-il. Et son troisième sera plus «pointu» dans sa forme, ce que Rafaël Ouellet définit tout naturellement comme quelque chose que certains critiques n'aimeront pas. «Je m'en vais dans quelque chose d'assez aride.»

On sent chez Rafaël Ouellet une fraternité esthétique et cinématographique avec l'ami et collaborateur Denis Côté, l'ancien critique de l'hebdomadaire gratuit ICI, passé depuis, avec succès, derrière la caméra pour trois longs métrages (Les états nordiques, Nos vies privées et Elle veut le chaos).

Rafaël Ouellet acquiesce, évoque les coups de main des débuts et des premiers films, tout comme les prises de position de Denis Côté dont il fait aussi les frais. «Je n'ai pas fini d'en essuyer, des traces à Denis. Je suis coupable par association, rit-il. Je revendique à peu près tout. Je suis juste moins gueulard.»

Rafaël Ouellet associe aussi à son émergence au cinéma à celle d'amis de longue date, Stéphane Lafleur (Continental), Simon Lavoie (Le déserteur) ou Maxime Giroux (Tellement les rues sont longues). «Je n'ai pas la prétention de dire qu'on est une nouvelle vague, mais j'aimerais que les gens voient un mini-courant. Qu'on voie des jeunes trentenaires qui arrivent avec quelque chose d'un peu frais. J'aimerais que cela nous aide», dit-il.