Crise de la quarantaine et bel hymne à la vie: ce sont, en partie, deux thèmes qui pourraient définir le dernier film de Jean Becker, Deux jours à tuer (ce vendredi sur les écrans québécois). Mais pas seulement. Car l'histoire déroule un long suspense, dont il ne faut pas révéler l'issue et que le réalisateur veut offrir entier au spectateur.

Albert Dupontel interprète Antoine, 42 ans, publicitaire à succès après 15 ans de métier, qui habite une belle maison avec une femme aimante (Marie-Josée Croze) et deux jeunes enfants agréables à vivre. Le bonheur tranquille d'un homme qui a réussi sa vie professionnelle et sa vie privée.

Et puis, un jour, il craque. C'est un vendredi. À l'agence de pub, il insulte un client, annonce qu'il laisse tout tomber et demande à son associé, interloqué, de lui racheter ses parts. Avant de rentrer chez lui, il déjeune avec une amie (Alessandra Martines), qui lui tient tendrement la main en lui demandant de tout avouer à sa femme: «Dis-lui. Tu as tout le week-end pour lui dire».

Quand il rentre à la maison, sa femme est déjà au courant de cette rencontre, alertée au téléphone par une amie qui a vu Antoine au restaurant avec une autre femme. Il n'a alors pas le courage de lui avouer ou de lui démentir cette présumée liaison amoureuse : ce n'est qu'une amie, se contente-t-il de dire.

Mais la crise existentielle est sur les rails. Il dit à sa femme qu'il veut «se sentir vivant» et qu'il va la quitter, à la fin du week-end. Juste le temps de laisser passer, comme si de rien n'était, son dîner d'anniversaire avec des amis, prévu de longue date.

Au déjeuner, il se montre inhabituellement cynique et dur avec ses enfants que, pourtant, il adore et qui l'adorent. Quant au dîner, quelques heures plus tard, avec ses amis proches (qui avocat, qui dentiste, qui psychiatre, qui directrice de galerie d'art), il tourne vite au jeu de massacre: Antoine leur sort des vérités désagréables à entendre, les insulte, se montre odieux comme jamais, sous les yeux inquiets et résignés de sa femme. Cela se termine même par un pugilat, avant que les amis ne s'en aillent en concluant qu'Antoine n'est vraiment pas «dans son état normal».

Il ne l'est pas, en effet, mais pourquoi? Qu'est-ce qui motive cette crise soudaine d'identité, cette incroyable violence verbale, ce désir de fuite? Comme prévu, le lendemain, il prend la route, direction l'Irlande où vit son père (Pierre Vaneck), homme solitaire et apparemment misanthrope, qui a quitté le domicile familial quand Antoine avait 13 ans et n'a jamais voulu voir ses petits-enfants.

Les rapports entre père et fils sont froids, calmes et sans relief, comme la vie au grand air (mer, chevaux, pêche à la mouche) qu'on mène ici. Antoine va-t-il s'apaiser ou au contraire continuer sa crise, son excès de folie, sa brutale transformation de comportement?

Le spectateur ne saura donc que dans les dernières minutes le fin mot de l'histoire. Certains cependant pourront s'en douter, dès le début, car c'est assez cousu de fil blanc. D'autres, s'ils se laissent emporter par le suspense induit par cette brusque métamorphose psychologique du personnage, seront d'autant plus surpris et émus par l'épilogue.

Une fin qui, comme souvent chez Jean Becker (L'été meurtrier, Les enfants du marais, Dialogue avec mon jardinier), résonne des accents de l'humanité et de l'hymne à la vie. Le réalisateur souhaite que le spectateur écoute jusqu'au bout la belle et poignante chanson du générique de fin, interprétée par Serge Reggiani sur un texte de Jean-Loup Dabadie. Donner son titre serait déjà en dire un peu trop sur les raisons qui poussent le personnage principal à agir comme il le fait.

On se contentera donc d'en citer une autre, de Johnny Hallyday, qu'Antoine met sur son autoradio sur la route le conduisant vers son père, et qui résume sa crise de la quarantaine : «J'ai oublié de vivre».