Depuis son prix d’interprétation féminine remporté à Cannes, en 2003, pour Les invasions barbares, Marie-Josée Croze doit presque se défendre d’avoir choisi de s’installer à Paris pour la suite de sa carrière. Mais la comédienne de 38 ans au franc-parler n’en a cure. Ce qui l’intéresse, c’est de tourner des films, le plus souvent et les meilleurs possibles, et surtout, de faire des rencontres avec des créateurs talentueux.

En entrevue au Soleil, cette semaine dans le cadre de la tournée de promotion de Deux jours à tuer, Marie-Josée Croze avoue qu’elle se balance de tout ce qu’on peut raconter sur elle sur Internet. En mai dernier, à Cannes, un article du magazine Libération parlait «de commentaires d’une haine incroyable en provenance du Québec» au sujet de sa décision de s’exiler en France, et de son accent québécois perdu.

«Allez savoir qui m’en veut à ce point pour écrire ça? Je ne le sais pas, sûrement les trois ou quatre mêmes personnes. Quand je lis ça, je me dis surtout que c’est surtout au Québec que ça fait du tort. (…) Au fond, c’est comme reprocher à quelqu’un qui aime le ski d’aller s’établir à la montagne plutôt que sur la rue Sherbrooke. Mon travail, c’est 99 % de la personne que je suis. C’est ma vie.»

Pour la comédienne originaire de Longueuil, qui a fait ses premiers pas au grand écran dans La postière, de Gilles Carle, la France offre de meilleures et plus fréquentes opportunités de faire du cinéma. Bien avant son prix cannois, qui lui a ouvert plein de portes, elle avait déjà envie d’aller voir ailleurs. «En 15 ans au Québec, j’ai tourné trois films (La Florida, Maelström, Les invasions barbares). Est-ce que c’est normal? Maintenant, je tourne davantage, mais il ne faut surtout pas croire que ça se fait tout seul.»

Depuis son triomphe cannois, Marie-Josée Croze n’a pas eu le temps de se tourner les pouces. Les films se sont enfilés à la queue leu leu : Mensonges et trahisons, Ne le dis à personne, Jacquou le Croquant, Le scaphandre et le papillon, Munich, de Steven Spielberg, pour en nommer quelques-uns. Elle vient de terminer le tournage de Je l’aimais, avec Daniel Auteuil, tiré du roman d’Anna Gavalda, et amorcera à l’automne celui de Liberté, de Tony Gatlif (Latcho Drom), avec Marc Lavoine.

Rôle difficile

À ce CV de mieux en mieux garni, il faut ajouter sa collaboration avec Jean Becker pour Deux jours à tuer, où elle incarne Cécile, une épouse et mère de famille complètement chavirée par le comportement énigmatique de son mari (Albert Dupontel).

«C’est l’un des rôles les plus difficiles que j’ai eu à jouer», explique-t-elle, en pensant particulièrement à la longue séquence de la cuisine, qui fait une quinzaine de pages dans le scénario. «Le coup de fil que reçoit cette femme (Cécile) n’a aucun sens pour elle. On devine un moment qu’Antoine a envie de tout lui avouer. Elle lui tend la perche de l’adultère, et ça l’arrange.»

Même si son personnage occupe seulement la première partie du film, et encore, de façon fugace, la comédienne ne s’en offusque pas, bien au contraire. Depuis le début de sa carrière, affirme-t-elle, elle est une abonnée aux personnages de soutien, une situation qui lui convient parfaitement. «Les personnages principaux traversent souvent des creux. Ce n’est pas le cas avec les seconds rôles qui doivent apporter avec eux un côté créatif obligatoire (pour l’évolution du scénario).»

Ces gens qui font vibrer

Pour la suite des choses, Marie-Josée Croze souhaite seulement flirter le plus souvent possible avec les gens de talent. C’est son leitmotiv, sa raison de vivre. «Le talent, c’est quelque chose qui me fascine. Prenez un homme comme Robert Lepage, c’est un génie. J’aime me retrouver avec des gens habités par la grâce et le cœur. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, je ne fais pas ce métier par narcissisme ou besoin d’exhibitionnisme, mais pour rencontrer des gens qui me font vibrer.»