C'est sur un drap tendu entre deux oliviers que Nicolas Pagnol a visionné, dès l'enfance, les films de son grand-père Marcel Pagnol. Aujourd'hui, Nicolas est pleinement engagé dans la préservation et la restauration de l'oeuvre cinématographique de Pagnol, en plus de promouvoir l'édition de ses manuscrits. Cette grande mission l'amène cette semaine à présenter trois films restaurés de Pagnol, au Musée national des beaux-arts du Québec.

Ce soir, à 19 h 30, Le Schpountz (1938) met en scène Fernandel dans le rôle d'un paysan naïf qui rêve de faire du cinéma et qui se fait berner par une équipe de tournage, qui lui propose un faux contrat, rien que pour s'en moquer. Le tournage de con, en quelque sorte.

Demain soir, même heure, Naïs (1945) voit un fils de riche bourgeois (Raymond Pellegrin) séduire une fille innocente et modeste (Jacqueline Bouvier).

Enfin, jeudi soir, Topaze (1951) raconte la vie d'un instituteur (Fernandel) licencié arbitrairement, qui tombe sous le coup d'un politicien véreux. Dans les trois cas, c'est l'illustration de l'innocence abusée.

Cinéaste, homme de théâtre et romancier, Marcel Pagnol a marqué son siècle par une oeuvre abondante qui dépeint avec tendresse et gaieté des personnages du peuple tels que Marius, Fanny et César, les héros de la célébrissime trilogie provençale. Il fut le premier cinéaste à être admis à l'Académie française, en 1946, avant René Clair.

«En venant au Québec, j'ai été surpris de voir à quel point mon grand-père était connu et aimé par les Québécois. Je découvre qu'il existe beaucoup d'atomes crochus entre les Provençaux et les Québécois», déclare Nicolas Pagnol.

C'est en partie à cause de ce lien qu'il a choisi une firme montréalaise, Vision Globale, pour restaurer les films précités. «J'avais fait restaurer en France la trilogie Marius-Fanny-César pour la produire en DVD, mais le résultat ne m'avait pas pleinement satisfait. J'ai alors compris que tous ces films demandaient un traitement de choc. De plus, au fil du temps et des millions de copies, des coupures avaient été faites et, pour y remédier, il aurait fallu retrouver les négatifs, ce que peu de gens ont fait dans les décennies précédentes», avoue-t-il.

Il fallait donc des procédés modernes pour redonner aux films leur qualité originale. Chez Vision Globale, il a trouvé une équipe francophone rompue aux techniques de pointe. «Le résultat est impressionnant : les rayures et la neige ont disparu, et le son a été complètement restauré.»

Nicolas Pagnol poursuivra son oeuvre de restauration, malgré quelques obstacles : «J'ai eu la mauvaise surprise de découvrir que toutes les chutes des films de mon grand-père avaient été détruites à la suite d'une inondation dans l'entrepôt où l'on gardait sa production cinématographique...»

Nicolas Pagnol rapporte qu'il y a en France un nouvel engouement pour Marcel Pagnol. Si bien que Fanny sera jouée pour la première fois à la Comédie française. «La pièce est reprise 800 fois par an, mais en région.»

Parallèlement à la restauration des films de son grand-père, Nicolas Pagnol a dirigé l'édition de 10 bouquins sur les manuscrits et la correspondance de Pagnol, qui couvrent les années 1895 à 1948. «On a trop souvent tendance à considérer mon grand-père comme un auteur de comédie, alors que c'est un grand dramaturge. Marcel Pagnol, qui fut d'abord instituteur, savait que c'est par le rire que l'on enseigne le mieux les grandes vérités. C'est pourquoi, dans la plupart de ses oeuvres, il a habillé l'émotion de rires et de comédie...»

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Soirées Marcel Pagnol. Aujourd'hui, demain et jeudi à 19 h 30. Musée national des beaux-arts du Québec. Gratuit