Le plus célèbre des cinéastes égyptiens, Youssef Chahine, est décédé dimanche à l'âge de 82 ans après avoir passé six semaines dans le coma à la suite d'une hémorragie cérébrale.

«Youssef Chahine est décédé à 3h30 ce matin à l'hôpital militaire de Maadi», dans la banlieue du Caire, a déclaré à l'AFP son ancien disciple, le réalisateur Khaled Youssef.

Ses funérailles auront lieu lundi dans une église du centre du Caire. Puis le cinéaste sera enterré dans le caveau familial à Alexandrie, la grande ville du nord où il est né, a précisé l'agence officielle Mena.

La télévision publique avait peu auparavant annoncé le décès du monstre sacré du cinéma égyptien.

Mais la nouvelle a été éclipsée par le reste de l'actualité égyptienne, notamment le verdict très attendu dans un procès sur le naufrage d'un ferry en 2006.

N'abordant l'information que tardivement dans le journal télévisé, la chaîne a toutefois salué le «remarquable» cinéaste, en diffusant de brefs extraits de ses films et des images d'archives de Youssef Chahine, notamment au festival de Cannes.

Youssef Chahine avait été hospitalisé en France pendant un mois à la suite d'une hémorragie cérébrale survenue en Egypte et qui l'avait plongé dans le coma à la mi-juin.

Bien que ses relations avec le régime aient été, du propre aveu du cinéaste, «très mauvaises», le président Hosni Moubarak avait fait annoncer que l'Etat égyptien prendrait à ses charges ses frais d'hospitalisation à l'Hôpital américain de Neuilly, près de Paris.

Ceux qui ont tourné sous sa direction, ou à ses côtés, car sa vocation première était d'être acteur, le décrivent comme une «personnalité mythique du cinéma arabe», a dit à l'AFP l'actrice Yosra.

«C'était l'un des cinéastes les plus importants du monde, et pas seulement du monde arabe», a affirmé à l'AFP l'un des acteurs égyptiens les plus connus, Nour el-Chérif, rendant hommage à son cinéma «différent».

Chahine était une véritable «école du cinéma égyptien», estime pour sa part le critique de cinéma Kamal Ramzi. «Tous ceux qui ont travaillé avec lui ont beaucoup appris de son style».

La presse égyptienne, gouvernementale comme d'opposition, avait donné en «une» la nouvelle de l'attaque cérébrale qui avait frappé un cinéaste déjà entré dans la légende.

Le réalisateur, scénariste et producteur, né en 1926, avait obtenu en 1997 le Prix du cinquantième anniversaire du Festival de Cannes pour l'ensemble de son oeuvre.

Parmi ses films les plus connus figurent Le Destin (1987), une dénonciation du fanatisme, ainsi que La Terre (1969) et Alexandrie, Pourquoi (1978), premier volet d'une trilogie autobiographique.

C'est lui qui découvrit, au début des années cinquante, Omar Charif, l'autre grand monstre sacré du cinéma égyptien, et seul grand acteur arabe de stature internationale.

Eduqué en français et en anglais, Youssef Chahine était parti étudier à 21 ans le cinéma à Pasadena, en Californie.

Alors que l'islamisme se répandait, il s'insurgea contre ce phénomène, lui qui connut dans son enfance une Egypte tolérante et multi-ethnique, où les chrétiens, comme il l'est, et aussi les juifs vivaient en harmonie.

Critique du régime égyptien, son dernier long métrage Le chaos, co-réalisé avec Khaled Youssef en 2007 et qui dénonçait l'étendue de la corruption et de la torture en Egypte, ne remporta pas le succès qu'il escomptait dans son pays ni à l'étranger.

Francophone et francophile, Youssef Chahine avait été décoré de la Légion d'honneur française en novembre 2006.

Le cinéaste était marié à une Française, Colette. Il n'avait pas d'enfants.

A Paris, le président Nicolas Sarkozy lui a immédiatement rendu hommage, saluant «un fervent défenseur de la liberté d'expression et plus largement des libertés individuelles et collectives». Il «aura cherché, tout au long de sa vie, à travers l'image, à dénoncer la censure, le fanatisme et l'intégrisme», a-t-il dit.