On dirait la bande-annonce d’un film d’été: un étudiant fait la fête, perd le contrôle de sa voiture, boit de la bière avec un entonnoir, danse sur les tables et entreprend de se battre à mains nues avec son père.

>> Voyez la bande annonce.

Une belle pièce de divertissement, qui prend un détour imprévu quand l’étudiant fêtard devient politicien et est élu à la Maison-Blanche.

Réalisé par Oliver Stone, W, le film sur la vie mouvementée de George W. Bush, sortira en salle le 17 octobre. Les acteurs Josh Brolin, Ellen Burstyn et Richard Dreyfuss y tiennent notamment l’affiche.

Diffusée sur YouTube cette semaine, la bande-annonce de W a fait le tour de l’internet plus vite qu’un pourriel annonçant une vente de Viagra. C’est que le film pourrait bien être le dernier clou dans le cercueil de la réputation du président, dont la cote d’appréciation oscille autour du seuil historiquement bas de 25 % depuis plus d’un an.

Le film sera-t-il l’équivalent d’une tarte à la crème lancée au visage du président? Oliver Stone prétend que non. Son objection n’est pas de faire un sketch humoristique, mais bien de peindre un portrait objectif de la vie de Bush, dit-il.

«J’aime Michael Moore, mais ce n’est pas le genre de film que je veux faire, a dit Oliver Stone au L.A. Times récemment. W n’est pas un film excessivement sérieux, mais il traite d’un sujet sérieux. C’est une histoire avec des accents shakespeariens. Je vois cela comme une époque étrange de la démocratie américaine. Je la raconte telle que je l’ai vécue.»

Les travers de Bush, et son passé d’étudiant médiocre, sont bien connus. Or, les voir au grand écran apportera sans doute un éclairage nouveau sur le personnage plus cité et le plus photographié au monde depuis huit ans.

En plus des frasques et des beuveries de W, le film de Stone fera beaucoup de place à la relation père-fils des Bush. Dans la bande-annonce, on peut voir le premier président Bush assis dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche, en train de sermonner son fils: «Tu fais la fête, tu cours les jupons, tu conduis alors que tu est soûl: pour qui est-ce que tu te prends? Un Kennedy»

Le président fait référence à la vie mouvementée des frères Kennedy, et au scandale de Chappaquiddick, survenu en 1969, quand Ted Kennedy avait eu un accident de voiture en pleine nuit près de Martha’s Vineyard, tuant une jeune stagiaire assise dans le siège du passager. L’épisode avait marqué un moment sombre pour la famille démocrate – et rappelle aujourd’hui que Bush junior n’est pas le premier homme politique à se mettre dans le pétrin.

Scénario réaliste?

Récemment, le magazine Hollywood Reporter a envoyé des copies du scénario du film à quatre auteurs qui ont écrit sur l’administration Bush. La publication cherchait à savoir si le travail de Stone allait être crédible.

Les avis des auteurs ont été partagés. Selon eux, le scénario dépeint des scènes fortes, authentiques et abondamment documentées. Mais certaines scènes présentent une version caricaturée des événements.

Robert Draper, auteur de Dead Certain: The Presidency of George Bush, a dit avoir été agacé par certains dialogues du film.

«Ça vous laisse avec l’impression que la Maison-Blanche est gérée comme un dortoir de campus, dit-il. Les gens s’appellent par leurs surnoms, et discutent d’aller en guerre comme s’ils parlaient d’un pari au football. Décrire ainsi fonctionnement de la Maison-Blanche, c’est carrément manquer le bateau...»

Pour Jacob Weisberg, auteur de The Bush Tragedy, Oliver Stone ne peut se targuer d’être impartial. «Entendre Oliver Stone dire qu’il va être impartial au sujet de Bush, c’est comme entendre Donald Trump dire qu’il va être modeste»

Oliver Stone – qui appuie Obama – affirme que ce ne sont pas ses opinions politiques qui l’ont poussé à faire le film, mais bien le désir de présenter Bush sous un jour réaliste.

«Nous essayons de marcher dans ses pas, nous essayons de comprendre comment il se sent. Ce n’est pas pour le diminuer. En fait, dans ce film, nous jouons avec nos propres préjugés, nos propres perceptions. Nous cherchons à faire son journal intime, sa propre interprétation de lui-même, dans ses propres mots.»

Oliver Stone aux Oscars?

Selon le Los Angeles Times, le film W pourrait bien valoir à Oliver Stone de faire un retour à la prochaine cérémonie des Oscars. Le réalisateur n’a pas été dans la course depuis 1995, l’année où son film Nixon était en nomination dans cinq catégories. Stone était reparti les mains vides cette année-là. Il faudra toutefois attendre les premières critiques pour voir si le dernier Stone est à la hauteur des attentes...

Des films d’Oliver Stone qui ont fait scandale


JFK (1991): Le film a été un succès au box office, mais les critiques – les chroniqueurs politiques notamment – l’ont vivement dénoncé. Les théories du complot explorées par Stone n’ont pas fait l’affaire de tous. «Stone est un homme doué techniquement, mais pas tellement éduqué et avec une conscience malléable», a écrit à l’époque le Washington Post.

Nixon (1995): Deux jours avant la première du film, la famille Nixon a émis un communiqué pour dénoncer le film, une œuvre «répréhensible» dont l’objectif est de «dégrader l’image de l’ex-président et de sa femme». Le film, mettant en vedette Anthony Hopkins, a été bien reçu par la critique.