Un été sans point ni coup sûr est né d'un drame qu'a personnellement vécu Marc Robitaille: le départ des Expos de Montréal pour Washington. Il n'en fallait pas plus pour que le scénariste se lance enfin dans l'écriture d'une histoire qui ferait honneur à sa passion du baseball.

À part l'anecdote, la formation improvisée d'une équipe de baseball avec tous les petits recalés qui n'ont pu faire le «vrai» club de la paroisse, Un été sans point ni coup sûr, qu'il a d'abord écrit sous la forme d'un roman, n'a pratiquement rien d'autobiographique. On sent pourtant que Marc Robitaille a mis beaucoup de lui-même dans ce récit.

Dans son premier ouvrage, Histoires d'hiver, avec des rues, des écoles et du hockey (superbement porté plus tard à l'écran par François Bouvier), l'évocation de l'enfance figurait déjà au coeur de sa démarche.

«Il est certain qu'il s'agit là d'un genre d'histoire que l'on porte en soi, explique l'auteur, signataire aussi du scénario de l'adaptation cinématographique. Je suis particulièrement touché par la notion d'insouciance liée à l'enfance. Elle est d'autant plus précieuse qu'elle ne dure pas longtemps. Et ne revient plus jamais par la suite. Cela dit, je ne savais pas quelle forme ce récit allait prendre. Le déclic est venu le jour où l'on a officiellement appris que les Expos quitteraient définitivement Montréal. J'ai personnellement vécu un deuil à ce moment-là.»

Même si l'histoire qu'il avait en tête était clairement de nature cinématographique, Robitaille a quand même eu le réflexe d'écrire d'abord un roman. Publié aux 400 coups, Un été sans point ni coup sûr a vite attiré l'attention du cinéaste Francis Leclerc. Qui, après Mémoires affectives, voulait emprunter une direction différente.

«Je savais que le roman me permettrait d'arriver au film, explique celui qui, aussi, a écrit une centaine de sketches d'Un gars, une fille. Si jamais il n'y avait pas eu de suite sur ce plan, au moins, le livre pouvait exister par lui-même. Ce fut toutefois un exercice amusant d'avoir la possibilité de réécrire cette histoire sous la forme d'un scénario, en travaillant de façon étroite avec Francis, et la productrice, Barbara Shrier. Cette collaboration m'a permis d'explorer d'autres avenues. Nous avons notamment développé le personnage de la mère. Et Mack Jones apparaît régulièrement dans la vie de Martin!»

De petites touches


Raconté à hauteur d'enfance sur fond de société en pleine mutation, Un été sans point ni coup sûr emprunte le point de vue d'un jeune garçon âgé de 12 ans, Martin (Pier-Luc Funk) qui, en cette année 1969, vivra un été plus marquant que les autres. Parce qu'il aura en outre l'occasion de nouer des liens plus privilégiés avec son père (Patrice Robitaille).

«Il n'y a pas de grands drames dans cette histoire, observe l'auteur. Tout est dévoilé par petites touches. Les personnages vivent leur «révolution tranquille» intérieurement. Mireille (Jacinthe Laguë) brasse la cage de son mari, mais elle ne brise rien. Et puis, il y a le baseball qui, dans mon esprit, évoque toutes sortes de choses.»

Quand on le lance sur le sujet, Robitaille est intarissable. Selon lui, le baseball participe du fondement même de ce qui fait l'américanité. Qui est la nôtre aussi.

«Un terrain de baseball est un univers parfait, où tout est consigné, ordonné. Ce jeu est aussi très fédérateur. Il a contribué à l'intégration de ceux qui sont venus d'ailleurs pour construire l'Amérique. Le père de Joe Dimaggio était un modeste immigrant italien et son fils est devenu le Jean Béliveau des États-Unis!»

Lui dont le film préféré reste The Graduate de Mike Nichols, voit par ailleurs en La grande séduction l'une des plus belles réussites du cinéma québécois. «Il en faudrait plus des films comme ceux-là! , suggère-t-il. Des histoires qui touchent aussi à l'intime. Or, ces dernières années, on constate que les grands succès du cinéma québécois sont plutôt des feux d'artifices. La grande séduction et C.R.A.Z.Y. semblent être des genres d'exceptions. Je sais qu'Un été sans point ni coup sûr a droit à une grosse sortie, mais je n'ai aucune idée du genre de réaction qu'il suscitera.»

Depuis le vide laissé par le départ des Expos, Marc Robitaille tente de donner son appui à une autre équipe, mais le coeur n'y est pas. «J'essaie de suivre les Cubs de Chicago parce qu'ils sont les mal aimés de la ligue mais je ne suis plus le baseball de la même façon.»

Oui, la peine d'amour est profonde.

Un été sans point ni coup sûr est présentement à l'affiche.