Pour sa quatrième réalisation, Ben Stiller plonge dans «l'enfer» que doivent traverser les vedettes de cinéma quand elles décident de prêter leur talent à un film de guerre. Tropic Thunder se veut une satire grinçante sur Hollywood, dénuée de toute notion de rectitude politique.

Ben Stiller était âgé d'une vingtaine d'années lorsqu'il s'est retrouvé sur le plateau d'Empire of the Sun, le très beau film - assez méconnu - de Steven Spielberg dans lequel fut révélé un tout jeune Christian Bale.

«À cette époque, il se tournait plein de drames de guerre, plus particulièrement des films sur le conflit au Vietnam, rappelait Stiller lors d'une rencontre de presse tenue à Los Angeles la semaine dernière. Déjà à l'époque, je trouvais que ce sujet se prêtait bien à la satire.»

L'acteur cinéaste, qui n'a rien réalisé depuis Zoolander il y a sept ans, trouvait amusants les propos que tenaient certains de ses camarades sur la préparation physique et mentale que requéraient les rôles de soldats. Notamment quand ils évoquaient les grandes «difficultés» qu'ils devaient surmonter dans les camps d'entraînement où ils apprenaient à simuler la vie militaire.

«Cela me fait rire quand certains acteurs parlent de l'expérience la plus intense de leur vie alors que cela n'a strictement rien à voir avec ce que vit réellement un soldat en zone de combat!»

Un fiasco annoncé

Ainsi, Tropic Thunder (Tonnerre sous les tropiques en version française, à l'affiche mercredi) relate le tournage d'un fiasco annoncé, au point où le réalisateur, interprété par le Britannique Steven Coogan, décide de prendre les grands moyens pour reprendre le contrôle de son film.

Excédé par le narcissisme abyssal et les caprices en tous genres des stars qu'il doit diriger, il décide d'entraîner ces dernières dans une vraie jungle afin de donner un aspect plus réaliste à son drame campé au Vietnam. Évidemment, le choc entre la réalité et l'artifice du cinéma aura tôt fait de changer la donne, principalement quand les acteurs seront pourchassés par de véritables trafiquants de drogue.

«Nous nous sommes beaucoup inspirés des commentaires qu'ont livrés certaines vedettes sur des suppléments de DVD, indique Justin Théroux, coscénariste du film avec Stiller et Etan Cohen (aucun lien avec le célèbre frangin du tandem Coen). Le projet a évolué au fil des réécritures, mais l'idée originale était de traiter du syndrome post-traumatique dont semblent être atteints certains acteurs quand ils reviennent d'un camp d'entraînement où ils sont pourtant parfaitement encadrés, et où il n'existe aucun réel danger!»

N'épargnant rien ni personne, les artisans de Tropic Thunder s'amusent aussi à tourner les clichés en dérision. Robert Downey Jr. incarne ainsi un acteur australien, lauréat de cinq Oscars, qui pousse la méthode jusqu'à modifier la pigmentation de sa peau (il prête ses traits à un soldat noir). Jack Black interprète de son côté un acteur intoxiqué souhaitant être enfin pris plus au sérieux, lui dont le succès est dû à de grosses comédies vulgaires. Alpa Chino (Brandon T. Jackson) est une vedette de rap qui tente de légitimer une carrière au cinéma; et le Montréalais Jay Baruchel (Knocked Up) incarne la recrue qui en est à son premier grand film hollywoodien. La star de Tropic Thunder (tel est le titre de ce grand drame que tournent tous ces gens de talent) est évidemment Tugg Speedman (Stiller), une vedette de style "Rambo" qui tente de relancer une carrière passablement essoufflée.

«Ce qu'il y a de formidable avec Ben, précise Jack Black, c'est qu'il garde toujours la perspective de l'acteur, même quand il est derrière la caméra. Notre collaboration est ainsi un peu plus étroite qu'avec un autre réalisateur. Au lieu de n'être qu'une marionnette entre ses mains, nous faisons partie du processus créatif.»

Des pointures

Outre Stiller, Downey Jr. et Black, Tropic Thunder met aussi en vedette des pointures, dont Nick Nolte, dans le rôle du conseiller spécial, auteur du récit soi-disant autobiographique dont le film est inspiré. Certains des noms de ces pointures figurent au générique, mais pas sur les affiches, ni dans les documents «officiels». On notera notamment une présence hilarante de Tobey Maguire dans l'une des quatre fausses bandes-annonces qui précèdent la présentation du film. «Une bonne façon de familiariser les spectateurs avec les personnages sans perdre un temps fou avec des mises en situation», précise Stiller, visiblement ravi d'avoir trouvé cette astuce.

«Tobey est un acteur tellement merveilleux que je ne pouvais rivaliser qu'en jouant encore plus «gai» que lui!» lance Downey Jr., partenaire de jeu de Maguire dans cet extrait annonçant un drame homosexuel campé au Moyen-Âge

Matthew McConaughey incarne par ailleurs l'agent de Tugg Speedman, et Tom Cruise y va d'une participation surprenante dans le rôle d'un bonze hollywoodien au langage pour le moins incisif. La transformation de ce dernier est d'ailleurs spectaculaire au point où il faut un moment avant de reconnaître l'acteur derrière cet arrangement capillaire pour le moins déstabilisant

«Le crédit revient à Tom car c'est lui qui a composé le personnage, explique Stiller. Nous lui avons d'abord proposé le rôle de l'agent - clin d'oeil à Jerry Maguire - mais il s'est intéressé davantage au rôle du directeur du studio. Il a proposé trois looks complètement différents et il a même intégré des scènes de danse à son numéro! Bref, il s'est beaucoup amusé et nous aussi.»

Stiller ne cache pas que la préparation du film fut très longue. Pour la première fois, l'acteur s'est retrouvé à la barre d'une production de plus d'une centaine de millions de dollars, tournée à Hawaii. «J'étais très heureux d'avoir les moyens de mes ambitions», dit celui qui a imaginé un film dont l'une des scènes-clés est le tournage d'une grosse explosion - une scène de plusieurs millions de dollars à elle seule - complètement gaspillée parce que les caméras n'étaient pas prêtes à la capter au moment où elle survient

«Être la vedette de son propre film n'est pas l'idéal, mais cela devient parfois nécessaire. Il est certain qu'on ne m'aurait pas confié la réalisation de ce film si je n'y jouais pas», ajoute Stiller.

Tropic Thunder (Tonnerre sous les tropiques en version française) prend l'affiche le 13 août.