Chroniqueur à l'émission Caféine, scénariste de Frank vs Girard à Vrak.TV et scripteur pour les galas du dimanche de Loft Story, Benoit Roberge est aussi la vedette de capsules d'autofiction humoristiques, Le cas Roberge, diffusées depuis juin 2007 dans Internet.

De la toile virtuelle au cinéma, le concept suscite toujours une question : qui est le «vrai» Benoit Roberge?

Q : Comment départagez-vous le personnage de fiction et celui dans «la réalité»?

R : C'est dur à départager. Par rapport aux situations dans le film, oui, certaines me sont arrivées, mais encore une fois, cela reste de la fiction qu'on s'est amusé, avec Jean-Michel Dufaux et Stéphane E. Roy, à souligner à gros traits. C'est un spectacle. La vérité, c'est maintenant pendant l'entrevue. Dès qu'il y a une caméra, je trouve que les gens deviennent faux. À la télé, la réalité se déforme. Les gens peuvent prétendre qu'ils sont heureux alors que c'est le contraire. Je ne dis pas cela pour être rabat-joie. Bref, mon personnage est fortement inspiré de ma vie, de mes impressions et de mes feelings. Le Benoit Roberge du film reste une construction cinématographique avec les mêmes dangers qu'implique un roman écrit au «je».

Q : Le personnage de Benoit Roberge est-il ce que l'on pourrait qualifier un pessimiste chronique?

R : Je pense qu'il est un peu misanthrope. C'est un gars sombre, mais capable de sensibilité. Oui, il est un peu râleur. Certains vont le trouver râleur comique. À l'inverse, je comprends très bien que d'autres puissent le trouver désagréable. Mais je n'y peux rien, c'est dans lui.

Q : Les filles et le boulot occupent une place très importante dans sa vie. On le sent frustré face à une place au soleil qui lui échappe. Or, il n'a pas la langue dans sa poche. Est-ce que son «honnêteté» lui nuit?

R : Je pense qu'il ne sait pas trop ce qu'il veut. Ses amis réussissent, ils ont de l'argent. Dans une scène, il rêve d'ailleurs à Sébastien (N.D.L.R., le personnage de l'animateur Sébastien Benoît) pour les mauvaises raisons comme de ne pas faire la queue pour rentrer dans un bar ou sortir avec de belles filles. Il voudrait la vie facile, mais est-ce que cela remplirait son grand vide? Est-ce qu'être connu l'aiderait à être plus heureux? Je n'ai pas l'impression et c'est ce qu'il réalise à la fin du film.

Q : Dans le film, Benoit Roberge exprime un point de vue extrêmement critique à l'égard des médias, plus précisément la radio. Votre point de vue est-il aussi tranché?

R : Actuellement, à Montréal, il n'y a que des gens connus aux micros des radios. On ne prend plus d'animateur de talent. Ils choisissent des faces mielleuses et exploitent le côté «matante». J'avoue que dans le film nous écorchons le milieu des médias (...). Ce n'est pas méchant, mais je considère que souvent les personnes à la tête des grands réseaux sont décalées par rapport à la demande. J'ai l'impression qu'ils ne savent plus ce que le monde aime et écoute. Ils sont peu branchés sur Internet et les nouveaux projets pour les jeunes. TQS n'était pas en faillite pour rien. J'en ai aussi contre la lenteur et «les bonshommes» qui allument cinq trop tard (N.D.L.R., il cite The Office) ou se contentent de copier ou de refiler les idées des autres à des individus en qui ils ont plus confiance.

L'art de l'autodérision

«Pour qui on va travailler maintenant?» Jean-Michel Dufaux éclate de rire en posant la question. C'est que la bande de Benoit Roberge n'hésite pas à montrer les travers du «merveilleux monde du showbizz». Comme nous sommes durs envers nous, renchérit Stéphane E. Roy, nous avions plus de liberté pour l'être envers les autres.

«C'est un drôle de milieu, le showbizz, complètement arbitraire et ingrat», insiste le premier à propos de l'acidité du propos du film. L'ancien animateur de La Fureur, Sébastien Benoît, est aussi catégorique : «L'intérêt du film est le doute qui persiste tout le long du film : est-ce déjà arrivé ou pas?»

Il réfère alors à une scène du film où il tient deux discours diamétralement opposés à deux fans à quelques minutes d'intervalles. «La seule chose qu'on sait, c'est qu'il va toujours dire la même affaire que toi pour plaire et pour se faire aimer. Je l'ai déjà fait au début de ma carrière», nuance-t-il en ajoutant : «pire, on aime parfois se montrer plus intellectuels que dans la réalité alors que «oui», on écoute Loft Story

«C'est facile d'avoir l'air intelligent», lance Jean-Michel Dufaux. Est-ce que cela explique le choix de vous inspirer de la démarche de Jean-Luc Godard en 1968 et de le citer dans le film? Ils rigolent. L'idée vient de Stéphane E. Roy, le «littéraire» du groupe qui se défend d'être aussi pataud que son personnage. «L'intention était de faire un road movie» et le voyage à Rouyn-Noranda servait l'idée», cerne Jean-Michel Dufaux. Tous deux s'entendent qu'ils s'interrogeaient, pendant l'écriture, sur la fameuse citation de Godard : «La télé fabrique de l'oubli et le cinéma du souvenir». Ils la méditent encore...