Les notions de tradition, d'héritage et de filiation sont au coeur de la filmographie du réalisateur Sébastien Rose. Après les avoir traitées de façon légère dans Comment ma mère accoucha de moi durant sa ménopause (2002), puis, sur un ton plus grave, dans La vie avec mon père (2005), l'ex-professeur en cinéma du Collège François- Xavier-Garneau se fait pamphlétaire avec Le banquet.

Le réalisateur lance un pavé dans la mare universitaire québécoise, qu'il accuse de se complaire dans le confort et l'indifférence, de former des citoyens «subordonnés à la logique économique», plutôt que des humanistes, et de parler «un langage interchangeable avec celui des pouvoirs publics ou du monde des affaires».

De façon plus large, Rose se fait aussi cinglant à l'égard d'une société québécoise qui n'a pas su transmettre ses valeurs aux générations montantes. Bref, Sébastien Rose veut éveiller les consciences. Son film, c'est un cri du coeur, une sorte de wake-up call.

«C'est le devoir du cinéaste de questionner son époque, de provoquer des débats et la réflexion», explique-il, en marge de la tournée de promotion de son film, qu'il a pris trois ans à écrire, en collaboration avec son père Hubert-Yves Rose (La ligne de chaleur), 63 ans.

Grève étudiante

Le banquet (à l'affiche la semaine prochaine) suit le parcours croisé d'une poignée de personnages qui évoluent en toile de fond d'une grève étudiante, dans une université montréalaise.

Bertrand (Alexis Martin) est un professeur désabusé, aux prises avec un étudiant à l'équilibre psychologique précaire (Benoît McGinnis) qui le poussera à remettre en question son travail et celui de ses confrères. Louis-Ferdinand (Frédéric Pierre) incarne un leader modéré de la contestation étudiante, préoccupé par son avenir et enclin à collaborer avec le recteur (Raymond Bouchard) en cette période trouble. Natacha (Catherine de Léan) est une mère célibataire junkie qui cherche à s'en sortir, et dont le salut passe par une confrontation avec son père.

Avec Le banquet - qui tire son nom du moment et du lieu où se joueront les destins de tous ces personnages - , Sébastien Rose livre sa vision d'un milieu universitaire qui a perdu le sens de sa mission. «On a beaucoup parlé de santé, mais l'éducation est l'autre grand dossier, surtout dans le contexte de sous-financement des universités», explique Rose, détenteur d'une maîtrise en philosophie de l'Université des sciences humaines de Strasbourg.

Coupure avec la tradition

Parler de l'école et de l'université amène à traîner toute la société au banc des accusés, estime le réalisateur, qui estime que les tueries de Polytechnique, de Concordia et de Dawson sont le reflet d'un profond malaise au sein de la société québécoise.

«Je n'ai pas la prétention d'avoir toutes les explications, mais j'estime que la filiation est défaillante, le dialogue avec les jeunes ne se fait plus, il y a une coupure avec la tradition. Il y a des choses et des valeurs qui ne se transmettent plus. Les jeunes hommes sont en manque de héros masculins forts. Pourquoi y a-t-il autant de fusillades dans les écoles? Pourquoi autant de suicides chez les jeunes? C'est trop important pour qu'on n'en parle pas.»

Ce n'est pas une coïncidence si Rose a fait de son personnage principal (Alexis Martin) un professeur de cinéma. Car là aussi, la tradition se perd, croit-il. Les jeunes ont oublié que le cinéma ne se résume pas aux «blockbusters américains», d'où les clins d'oeil aux Groulx, Perrault et Jutra, autant de patriarches qui ont eux aussi «remué des choses qui dérangent», tout en cherchant à transmettre un héritage à la génération suivante.

Au tour maintenant de Sébastien Rose à chercher à passer le flambeau...

Projection gratuite pour les étudiants

À l'aube de la rentrée universitaire, les artisans du Banquet convient les étudiants à une projection gratuite, suivie d'une période de questions-réponses avec le réalisateur Sébastien Rose, les comédiens Alexis Martin et Raymond Bouchard, et le producteur Pierre Even. Le rendez-vous est fixé au mercredi 27 août, à 16h, au Cinéplex Sainte-Foy. Une visite sur le site www.vivafilm. com explique la façon d'obtenir des laissez- passer.