Khi toi 20 (Quand j'ai 20 ans) aurait pu être le premier court métrage vietnamien en compétition à la Mostra de Venise. Si Hanoï ne l'avait pas jugé trop «cru», et censuré.

Le film, du réalisateur Phan Dang Di, 32 ans, raconte une histoire d'amour un peu particulière dans le Vietnam moderne. Celle d'un jeune couple dont la femme se prostitue, au su de son compagnon, pour vivre et faire vivre sa grand-mère.

«L'image véhiculée par la fille, son mode de vie, ses activités vont à l'encontre des coutumes, des traditions et du mode de vie vietnamiens», explique Le Ngoc Minh, directeur général adjoint du Département du cinéma du Vietnam, pour justifier l'interdiction.

Le court métrage, réalisé il y a plus de deux ans, avait déjà été censuré par les autorités vietnamiennes à l'époque. Reconnaissant la valeur technique de l'oeuvre, le régime communiste avait autorisé sa diffusion dans les milieux professionnels et étudiants, pas sa sortie en salle.

Mais lors du dernier festival de Cannes, où Phan Dang Di est allé chercher des financements pour un projet de long métrage, un membre du comité de sélection de celui de Venise l'a repéré.

Le réalisateur, prêt à couper quelques scènes pour être projeté dans la section Corto Cortissimo de la Mostra, a retenté sa chance. En vain.

Les coupures proposées raccourcissaient «quelques scènes de sexe», reconnaît Le Ngoc Minh. Mais impossible de revenir sur l'interdiction car, tranche-t-il, «le contenu principal du film n'a pas changé».

Phan Dang Di, lui, a du mal à comprendre la décision.

«Il y a des scènes d'autres films vietnamiens qui sont plus crues» que les siennes, estime-t-il. «Pour moi, le film ne pose pas de problème politique, religieux, ne s'oppose pas au gouvernement. C'est juste une histoire d'amour un peu triste, une pensée personnelle».

Le réalisateur comprend que certains, surtout parmi les plus âgés, puissent être «allergiques» à son travail.

Mais au sein de la jeune génération de cinéastes, «il y a une tendance à exprimer des choses personnelles, la vie telle qu'on la voit de nos propres yeux, les choses vues et senties», souligne-t-il. Et «le public aime de plus en plus voir des choses de plus en plus personnelles, intimes, délicates, avec plus de profondeur».

Loin des scènes «grossières» que la censure dénonce dans Khi toi 20, le réalisateur franco-vietnamien Tran Anh Hung, auteur de Cyclo, L'odeur de la papaye verte ou encore À la verticale de l'été, y voit lui une «grande sensualité».

«Il y a un charme incroyable dans les personnages et la façon de filmer», estime-t-il. Tran Anh Hung, qui vit en France, donne depuis quelques années des cours dans son Vietnam natal et a aidé le jeune réalisateur à travailler son scénario.

«Interdire de montrer Quand j'ai 20 ans de Phan Dang Di à Venise, c'est extrêmement dommageable pour l'auteur et le cinéma vietnamien», juge-t-il. «Ce n'est pas tous les jours qu'un film vietnamien est sélectionné en sélection officielle à Venise, dans l'un des plus grands festivals du monde».

À Cannes en 1993, Tran Anh Hung avait décroché la Caméra d'Or, décernée pour des premiers films, avec L'odeur de la papaye verte. Deux ans plus tard, il recevait un Lion d'Or à Venise pour Cyclo, un long métrage lui-même fustigé par Hanoï.

Mais les productions 100 % vietnamiennes sont encore très rares dans les festivals internationaux.

Phan Dang Di affirme qu'il respectera la décision de ses censeurs et ne fera pas le voyage en Italie pour la 65e édition de la Mostra qui s'est ouverte mercredi. Mais si le film était à refaire, assure-t-il, il «le referait de la même façon».