La vie excentrique d'un taudis de Bombay et ses personnages tout droit sortis d'un roman de Charles Dickens sont dépeints avec brio par le réalisateur anglais Danny Boyle dans son nouveau film Slumdog Millionaire présenté au Festival de films de Toronto.

Le réalisateur y décrit un jeune Indien pouilleux et illettré, qui gagne contre toute attente à la version indienne du célèbre jeu télévisé Qui veut gagner des millions.

Sur fond de problèmes sociaux, économiques et politiques de l'Inde moderne, où la corruption et la trahison se croisent à tous les coins de rue, Danny Boyle - rendu célèbre par des films cultes comme Petits meurtres entre amis, Trainspotting ou La plage -, a su rendre une vérité insolite qui a touché le public le plus averti.

«Je suis né et j'ai grandi à Bombay, et ce film a instinctivement su dépeindre l'essentiel de nos problèmes», a dit à l'AFP un spectateur d'origine indienne. «Tout cela est très justement vu», a renchéri un autre spectateur.

Pourtant, c'était la première fois que Danny Boyle tournait dans ce pays, mais pas la dernière, a-t-il laissé entendre à l'occasion de la projection.

«Si vous êtes ouvert à ce pays, vous verrez qu'il est extraordinaire. C'est un endroit très généreux», a-t-il commenté devant la presse à Toronto.

Le scénariste Simon Beaufoy, auteur du film The Full Monty, a passé plusieurs mois à visiter la ville et ses habitants pour en extraire ce que Danny Boyle appelle «toute la beauté et toutes les laideurs» de la société indienne, dans cette adaptation du roman Q&A (Les fabuleuses aventures d'un Indien malchanceux qui devint milliardaire) de Vikas Swarup.

Dans les taudis de Bombay, «il ne vous viendrait jamais à l'idée de vous exclamer Oh! Les pauvres!», explique le scénariste, pour qui les notions occidentales de richesse et de pauvreté perdent leur sens en Inde.

Ces notions, ajoute le réalisateur, «vous ne pouvez pas les transporter avec vous. Ce serait inapproprié. Ils (les Indiens) construisent leur propre système de valeurs».

Parmi les valeurs qu'il a dû mettre de côté, Danny Boyle a raconté à la presse comment il avait été obligé d'organiser différemment son tournage.

«Il y a des jours où nous nous disions: Nous n'arriverons pas à tourner quoi que ce soit, aujourd'hui! Il y a trop de monde sur le plateau!».

«Mais il faut que l'on s'y fasse... On ne peut pas juste taper du poing sur la table et essayer de réorganiser le pays», a-t-il expliqué.
 
L'acteur vedette de Bollywood Anil Kapoor joue dans Slumdog Millionaire son premier rôle en anglais.

M. Boyle aurait voulu présenter un casting uniquement constitué d'acteurs de l'industrie cinématographique indienne, mais il a finalement dû y renoncer: «Il n'y en avait pas qui ressemblait suffisamment à des malheureux», comme l'exigeait le rôle principal de Jamal. «J'avais besoin d'un garçon au physique très moyen», a expliqué le réalisateur.

Il a finalement trouvé son bonheur à Londres: c'est l'acteur britannique d'origine indienne Dev Patel qui a décroché le rôle. Né dans la capitale anglaise, celui-ci s'était rendu dans son enfance en Inde pour assister à un mariage ... mais avait détesté le pays, a-t-il confessé à la presse. «J'ai été dévoré par les moustiques», se souvient-il.

Mais cela a bien changé: la jeune Freida Pinto, qui joue à ses côté dans son premier rôle cinématographique, le décrit désormais comme «un gars de Bombay».