De passage à Montréal récemment, l'actrice révélée dans Van Gogh, de Maurice Pialat, a rencontré La Presse pour parler de séparation filiale et de grandes retrouvailles, thèmes d'Il y a longtemps que je t'aime, de Philippe Claudel.

Elsa Zylberstein a 36 ans. On lui en donne 26, lorsqu'on l'a devant soi. Encore moins dans la peau de la Léa qu'elle campe tout en fragilité dans Il y a longtemps que je t'aime. Le film de Philippe Claudel nous la présente en épouse, mère et prof de littérature qui retrouve une grande soeur de qui elle a été séparée pendant 15 ans.

Éloignée de l'aînée (Kristin Scott Thomas), Léa a longtemps cessé de grandir, s'est faite petite et a souffert de l'absence d'une femme qui a un jour commis l'irréparable. C'est à la sortie de prison de cette dernière qu'elles se retrouvent, au début du film.

Choisir une actrice qui fait plus jeune que son âge, qui semble avoir besoin de l'épaule d'un plus grand pour s'y appuyer, cadre donc on ne peut mieux. En entrevue, la question de l'âge surprend toutefois Elsa Zylberstein. «Je ne dis habituellement jamais mon âge, dit-elle. Une actrice n'a pas d'âge. En plus, en Europe, la ride ne fait pas peur.»

L'actrice compare néanmoins le comportement de son personnage à celui d'une enfant. «Pendant les années d'incarcération de sa soeur, Léa était complètement perdue. Elle était dans l'attente totale. Elle est ensuite comme une petite fille prise par la honte et la culpabilité. Léa est emprisonnée dans sa tête, moralement, à cause de la société.»

Il y a longtemps que je t'aime nous présente une cadette à qui les parents ont demandé d'oublier une proche criminelle. C'est néanmoins Léa qui l'accueillera chez elle, à sa sortie de prison, malgré les réticences de son mari. Peut-on pardonner un crime grave à un membre de sa famille? «Là est toute la question du film, répond Elsa Zylberstein. Le regard des autres et celui de la société font qu'on ne pardonne pas à la grande soeur. Moi, je serais là pour un frère s'il faisait quelque chose de terrible.»

Les secrets de famille: un sujet universel

«C'est un sujet universel, poursuit l'actrice française. Le film, qui parle des secrets de famille, a fait 1 million d'entrées en France. C'est énorme! Ça a touché quelque chose d'extrêmement intime.»

Pour se fondre le plus possible dans la peau de Léa et transmettre ses déchirements intérieurs, Elsa Zylberstein a travaillé son rôle «comme si on m'avait arraché une partie de mon corps, résume-t-elle. Il y a longtemps que je t'aime est un film qui bouffe de l'intérieur. Sur le plateau, j'ai travaillé sur la perte, l'absence. C'est dur de travailler là-dessus. Ça fait peur, au départ, mais ça devient excitant.»

Sur le plateau, l'actrice s'en est aussi remise à un auteur qui en était à sa première réalisation. «Dans les livres de Philippe, je trouve qu'il y a une écriture subtile, fine et intelligente. Je me disais donc qu'il saurait regarder les actrices. Et puis, il apprend très vite, comprend très vite et est ouvert aux propositions.»

Les propositions d'une actrice qui a de l'expérience. Qui dit ne pas avoir arrêté de tourner ces deux dernières années. Elle jouera d'ailleurs bientôt dans la suite de L'homme est une femme comme les autres de Jean-Jacques Zilbermann.

Étonnamment, celle qu'on a vue notamment dans Mina Tennenbaum et Farinelli avouait, il y a quelques années, dans nos pages, n'avoir rencontré que des obstacles pendant plusieurs années avant que Maurice Pialat ne la remarque et ne la dirige dans Van Gogh. Depuis, elle prouve que son spectre de jeu est large. «J'ai récemment fait une lesbienne dans Venus beauté. Le rôle le plus violent de ma vie.» Il n'y a pas que les femmes qui ont cessé de grandir dans son répertoire «Depuis mes débuts, je n'ai pas eu de rôles de fille cucul. J'ai fait Van Gogh et aujourd'hui, je reçois les fruits de mes choix.»

Il y a longtemps que je t'aime est présentement à l'affiche. Notre critique du film en page 7.