San Sebastian a effectué mardi deux voyages dans l'absurde, celui de la violence de l'ETA, vue par l'Espagnol Jaime Rosales dans Tiro en la cabeza, et de l'humour décapant des Français Gustave Kervern et Benoît Delépine dans Louise-Michel.

Très applaudi ou énergiquement hué, le troisième long métrage de Jaime Rosales, aborde un sujet particulièrement sensible dans la grande station balnéaire basque, celui de la violence du groupe indépendantiste armé ETA.

La projection de ce film était d'autant plus attendue que l'ETA vient de mener une violente campagne d'attentats dans le nord de l'Espagne, faisant exploser trois voitures piégées et tuant un militaire ce week-end.

Ce film tourné à chaud en quinze jours revient sur l'assassinat de deux gardes civils espagnols, le 1er décembre 2007 par trois membres de l'ETA, sur le parking d'un supermarché à Capbreton, dans le sud-ouest de la France.

«J'ai voulu montrer qu'il n'y a rien de plus absurde que de nous entretuer pour une raison idéologique, c'est un film sur l'absurdité de la violence», a expliqué Jaime Rosales en conférence de presse.

Dès le départ, le cinéaste fait un choix risqué en décidant de supprimer les dialogues et de filmer les scènes sur le mode documentaire.

Le spectateur, qui voit les protagonistes converser mais n'entend que des bruits de fond, principalement de voitures, peut ressentir un sentiment de frustration, voire d'ennui.

Rosales y montre la vie apparemment «normale» d'un membre de l'ETA, Ion, joué par un acteur basque, Ion Arretxe, avec sa famille, faisant ses courses... mais qui finit par tuer un des gardes civiles d'une balle dans la tête.

Se défendant d'avoir voulu donner une réponse au problème basque, Jaime Rosale a assuré «simplement vouloir apporter une série d'idées».

Le réalisateur a en tout cas réussi à interpeller le public, en particulier les journalistes, très partagés en conférence de presse, certains critiquant «l'ambiguïté» de sa vision du problème basque et jugeant trop «sympathique» la vision de ce membre de l'ETA, et d'autres saluant son effort artistique risqué.

Le deuxième film projeté mardi en compétition officielle, Louise-Michel, a signé l'arrivée des éclats de rire au festival, qui s'achève samedi, et où la plupart des films présentés jusqu'à présents ont été assez durs ou dramatiques.

Les deux réalisateurs, Gustave Kervern et Benoît Delépine, ont d'ailleurs remercié les organisateurs du festival «d'avoir choisi une comédie, car les autres festivals ont peur du rire et n'ont par voulus» les choisir.

Ils nous entraînent dans l'univers absurdement drôle d'une usine de Picardie, région ouvrière du nord de la France, où un groupe d'employées sauvagement licenciées décident de se venger en «buttant le patron».

Les deux hommes, qui ont écrit pendant quinze ans des sketches pour la télévision française (les Guignols de l'info, Groland), sont des habitués du comique de l'absurde. Ils ont choisi pour leur rôle titre l'excellente Yolande Moreau, vedette de la minisérie télévisée culte en France Les Deschiens.

Le film compte aussi deux intervenants de luxe, le Français Mathieu Kassovitz, en agriculteur écolo, et le Belge Benoît Poelvoorde, en ingénieur conspirateur qui recrée les attentats du 11 septembre dans son jardin.

«Nos héros sont dépassés par la société actuelle mais ils s'unissent pour surmonter cette situation», a expliqué Benoît Delépine, ajoutant avoir voulu «rendre hommage à Louise-Michel (1830-1905), féministe avant l'heure et anarchiste absolue».