C'est ce soir que s'ouvre le 37e Festival du nouveau cinéma. Au menu, quelque 250 films provenant d'une soixantaine de pays. Avec, en guise d'apéritif, Un capitalisme sentimental d'Olivier Asselin, précédé de Next Floor de Denis Villeneuve, film déjà fort célébré qui sera enfin projeté à Montréal.

Entretien avec l'auteur de ce court métrage, qui mène plusieurs projets de front ces jours-ci.

Le nom de Denis Villeneuve a disparu des médias dans les années suivant la sortie, en 2000, de Maelström. Et quand il est réapparu, il y a quelques mois, ç'a été trois fois plutôt qu'une. Comme coscénariste et réalisateur de Polytechnique, drame qui s'inspire de la tragédie du 6 décembre 1989. À l'adaptation et à la réalisation d'Incendies, basée sur la pièce de Wajdi Mouawad. Et à la barre de Next Floor.

 

Depuis son couronnement à la Semaine de la critique à Cannes, ce court métrage a remporté beaucoup de prix et a des chances de continuer sur cette lancée puisque, d'ici février, il sera présenté dans 63 festivals... dont le FNC.

Ce sera la troisième participation de Denis Villeneuve à cet événement qu'il considère être «le festival de films le plus important du Québec» et dont il souhaite voir le public s'élargir plus encore. Il est donc très, très heureux que Next Floor soit invité à la fête. Parce que ce film de 11 minutes 34 secondes est, affirme-t-il, ce qu'il a fait de mieux jusqu'à maintenant.

Pourquoi le contredire? Ce court métrage est un bijou baroque, une perle tout droit sortie de l'huître fellinienne, qui repose sur un somptueux écrin... de poussière et de bouffe. D'accord, on explique.

À l'origine du projet, la mécène Phoebe Greenberg. Qui a acheté un vieil immeuble dans le Vieux-Montréal pour en faire un centre d'art contemporain. Mais elle désirait conserver une mémoire du bâtiment original, par l'intermédiaire d'un film. Elle a contacté Denis Villeneuve.

«J'ai accepté de la rencontrer... pour la prévenir de ne pas faire ça, raconte-t-il. Les gens n'ont pas conscience des coûts d'un film.» Mais elle, oui. Et peu lui importait. «Elle voulait faire ça pour l'art, pas pour que ça lui rapporte quelque chose.»

La commande, donc les contraintes - que le réalisateur a finalement trouvées créatrices: faire un film proche du théâtre, décadent, noir en genre et en humour; et mettant en scène l'immeuble qui allait être démoli au mois d'août. Nous étions alors... en juin. Autre contrainte: le temps. Mais Denis Villeneuve en avait, car il venait de déposer auprès des institutions les scénarios d'Incendies et de Polytechnique - celui-là, coécrit avec Jacques Davidts.

C'est avec ce même Jacques Davidts qu'il s'est enfermé pendant trois jours à la campagne. Pour écrire un scénario. L'idée qui a germé: un banquet grotesque et théâtral, où les convives mangent tant et tant que la table passe à travers le plancher.

L'immeuble allant être détruit, «j'ai pu faire ce que je voulais à l'intérieur». Faire un immense trou dans le plancher. Installer une table autour de laquelle des hôtes bâfrent avec une obstination maladive... des aliments qui ont posé tout un casse-tête à la production.

«Il y avait de la vraie et de la fausse nourriture. Les acteurs n'ont fait que manger pendant quatre jours, dans des conditions épouvantables. Il faisait très chaud, les aliments se mettaient à sentir très vite et, pour donner l'illusion que les plats étaient recouverts de plâtre, il y avait de la poussière d'ail partout», raconte le réalisateur... dont un des acteurs était végétarien. «Deux autres le sont devenus.»

Et ce n'était que le début du défi: après, les comédiens ont été attachés à leur chaise dans un studio, sur écran vert, à une table posée sur un pivot à deux mètres du sol. Pour simuler les chutes de la table et des hôtes. Les effets spéciaux sont impressionnants de réalisme. Et l'ensemble, troublant d'une beauté noire - ou grise, comme la «poussière».

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Le 37e Festival du Nouveau Cinéma a lieu du 8 au 19 octobre. Infos: www.nouveaucinema.ca

 

Le calendrier de Denis Villeneuve...

Polytechnique: Le montage visuel est terminé; le montage sonore devrait l'être après Noël; la sortie est prévue pour février (probable) ou pour l'automne 2009.

Incendies: Le casting est en cours et le tournage devrait commencer en avril, en Jordanie.

Les projets: Un drame musical sur... le cancer, probablement en collaboration avec Patrick Watson, en partie inspiré par le livre 5-FU de Pierre Gagnon, qui explore «cette espèce de monde parallèle, cet état d'esprit entre la vie et la mort, où se retrouvent les gens atteints de cette maladie pendant les traitements de chimiothérapie»; et L'aube, long métrage ou série de courts métrages de la même couleur que Next Floor, un projet sur lequel il travaillait déjà avant d'être sollicité par Polytechnique et Incendies.