La cinéaste Manon Barbeau vient de recevoir un courriel: est-ce qu'on pourrait prolonger d'un mois la projection des films du Wakiponi mobile à la Grande bibliothèque de Pékin, s'il vous plaît? Comme quoi un «projet d'intervention et de formation vidéo» auprès de jeunes autochtones, né il y a cinq ans, peut mener loin... mais aussi tout près. Par exemple, au Festival du nouveau cinéma de Montréal.

Ce soir, à 18 h, c'est dans le cadre du 37e FNC que sera lancée la cuvée 2008 des courts métrages réalisés par de jeunes vidéastes algonquins, atikamekws, innus, cris, mohawks...

 

«La cuvée 2008? C'est la meilleure. Ça paraît que ça fait cinq ans qu'on travaille», dit avec un grand sourire Manon Barbeau (connue pour son documentaire Les enfants de Refus global, et à la télévision grâce à Ramdam et au Club des 100 Watts), instigatrice du Wapikoni mobile, à quelques heures de s'envoler pour Rimouski où l'attend sa fille Anaïs Barbeau-Lavalette (qui vient de remporter d'autres prix, cette fois en Russie, pour son film Le ring, et est l'une des réalisatrices des capsules citoyennes unissonsnosvoix.ca).

Depuis cinq ans, en effet, les roulottes du Wapikoni transformées en studios de cinéma ambulants vont et viennent entre 14 communautés autochtones du Québec afin que les plus jeunes - plus de 800 à ce jour - apprennent à s'exprimer à l'aide d'une caméra, en «formation siamoise»: chaque jeune autochtone peut compter sur le soutien d'un jeune cinéaste blanc.

Les courts métrages qu'ils ont tournés au fil des ans ont remporté 21 prix dans divers festivals, et ont été vus aussi bien aux États-Unis qu'en Bolivie, en Polynésie française, en Norvège ou au Brésil...

Quant à L'amendement de Kevin Papatie, il s'est trouvé en avant-programme de L'âge des ténèbres de Denys Arcand, alors que Kokum déménage, d'Évelyne Papatie, l'a été en avant-programme du Peuple invisible de Richard Desjardins et Robert Monderie...

Tous les genres, tous les thèmes sont abordés par les cinéastes: ce soir, ainsi que le 12 octobre au Musée de la civilisation de Québec, la quinzaine de courts métrages retenus abordent la mort d'un ami noyé, les arbres, la danse, la chasse, la drogue, l'amour, la peinture, les enfants...

«Il est question d'un Wakiponi en Bolivie, d'un autre au Pérou, à bord d'un bateau; enfin, il y en aura un en Polynésie en mars prochain, explique Manon Barbeau. Il se forme peu à peu un réseau de jeunes autochtones dans le monde entier: ceux du Nord apprennent à ceux du Sud à tourner; ceux du Sud enseignent à ceux du Nord à s'organiser, à prendre en mains la défense de leurs droits. Il y a des Wapikoni en Alberta, au Manitoba... Mon rêve dans cinq ans? C'est que soient terminés l'isolement et la détresse des jeunes autochtones d'ici...»

Pour parvenir à ce résultat, Manon Barbeau insiste: elle n'aurait jamais été capable de monter un tel projet sans le soutien de l'Office national du film.

«L'ONF nous prête des locaux, nous apporte un soutien financier et moral ainsi qu'une grande crédibilité, nous a aidés à concevoir les roulottes... Et désormais, nos films vont être distribués par l'ONF, donc pas seulement dans les festivals, mais aussi dans les écoles, les institutions...»

C'est à la mémoire d'une jeune femme, Wapikoni Awashish, que le projet doit son nom: «J'ai rencontré Wapikoni il y a sept ans pour un projet de film, dit Manon Barbeau, c'était une de mes principales collaboratrices. Et puis, un jour, j'ai appris que Wapikoni était morte dans un accident automobile, elle qui était lumineuse, absolument non suicidaire, un modèle, une future chef... Si je lui parle? Oui, quand je ne veux pas que le projet dérive ou dérape, je m'adresse à elle, dans mon coeur. Wapikoni veut dire fleur. Et quand je vois des jeunes cinéastes comme ceux qu'on va voir (ce soir), je me dis qu'il se sème des petites graines de wapikoni...»

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Cuvée 2008 du Wapikoni mobile, ce soir, 18 h, 175, Président-Kennedy, au Coeur des sciences de l'UQAM. Infos: wapikoni.ca