Difficile d'échapper au fantôme de Jacques Mesrine hier en France, pour la sortie en salle du long métrage L'instinct de mort, de Jean-françois Richet, premier volet d'un diptyque. La deuxième partie, L'ennemi public numéro un, sortira le 19 novembre.

Sans crier au chef-d'œuvre, la presse est très louangeuse pour le film en partie tourné au Québec, son réalisateur, et son principal interprète, Vincent Cassel, qui a pris 20 kg pour incarner le personnage, et qu'on finit par confondre avec l'original, avec sa façon de parler très voyou des années 60 et sa présence physique, macho, féline et brutale.

Mais ce qui frappe, c'est d'abord la déferlante médiatique. Rien qu'à France Inter - la radio publique - on comptait une longue interview du réalisateur le matin à 9 h, une «biographie» du célèbre gangster à 13 h 30, et une tribune téléphonique de 45 minutes en début de soirée. Libération publiait à la une la photo pleine page de Mesrine, qui pose revolver au poing lors de sa dernière «cavale» de 18 mois en 1978-1979. Plus cinq pages entières à l'intérieur, où on pouvait relire notamment l'interview clandestine qu'il avait donnée à Libé en 1978.

La sortie du long métrage est donc le grand événement du mois, à cheval sur la culture et la sociologie. Comme le dit Jean-François Richet à Libération, «Mesrine fait partie de notre inconscient collectif». Et manifestement, tous les médias estiment également que Mesrine constitue un phénomène unique dans l'histoire du banditisme. Indépendamment de tout jugement de valeur, d'autres médias ont estimé que le sujet était vendeur auprès du grand public et lui ont accordé un traitement royal. Avec raison semble-t-il, car le film a connu un démarrage foudroyant en salle hier à 14 h.

Hier soir, au cours de cette tribune téléphonique à France Inter, plusieurs auditeurs ont protesté du fait que le film risquait de glorifier un personnage brutal, qui n'hésitait pas à tirer sur tout ce qui bouge, qui a déjà torturé un journaliste «déplaisant» et a très probablement assassiné quelques personnes, on ne sait combien exactement, même s'il n'a jamais été condamné pour meurtre. Lui-même en avait avoué au moins un dans son «autobiographie», et s'était vanté un jour - à la blague - d'avoir tué plus d'une trentaine de personnes.

Le réalisateur Jean-François Richet se défend d'avoir voulu faire le portrait d'un héros, d'un bandit chevaleresque, contrairement à d'autres réalisateurs qui s'étaient penchés sur le projet d'adaptation. Mais il ne se cache pas d'une certaine sympathie: «Je n'ai surtout pas voulu occulter son côté brutal et violent, dit-il, mais il faut lui reconnaître son sens de l'honneur: quand il donne sa parole, il ne la trahit pas. Et ce n'est pas une crapule: il ne met pas les filles au trottoir, il ne touche pas au trafic de drogues...»

Pour Le Monde, «sa personnalité et son destin demeurent un mystère qui ne trouve aucune résolution dans son autobiographie. Opportuniste politique, dangereux psychopathe, bandit d'honneur, aventurier des causes perdues, imprévisible: Mesrine est plusieurs personnages en un seul».

Près de 30 ans après son «exécution» par la police à la sortie de Paris en 1979, Jacques Mesrine indéniablement fascine, par sa personnalité flamboyante, mais aussi et surtout, ce qui est normal, pour la succession impressionnante de ses «exploits». À commencer par ses évasions spectaculaires.

Pour Télérama, hebdo culturel, les longues scènes de son évasion de Saint-Vincent de Paul en 1972 constituent des morceaux d'anthologie dans le genre. Quant à Vincent Cassel, il est unanimement salué par la critique. Selon Libé, «il écrase définitivement la concurrence par son amplitude de jeu, son charisme hollywoodien et son énergie féroce».

L'instinct de mort et L'ennemi public numéro un sont distribués par Alliance au Québec et doivent prendre l'affiche ici en 2009.