Amis depuis très longtemps, Samuel L. Jackson et Bernie Mac n'avaient pourtant jamais trouvé un projet commun assez intéressant au cinéma.

C'est maintenant chose faite avec Soul Men, que Bernie Mac a tout juste eu le temps de terminer avant de mourir, à l'âge de 50 ans. 

Il est parfois de ces films qui, de façon parfaitement inattendue, prennent une signification différente de celle prévue au départ.

Quand les artisans ont conçu Soul Men, ils ne pensaient alors qu'à une franche comédie campée à la glorieuse époque où le son «Motown» brûlait les palmarès. À l'arrivée, le film emprunte plutôt les allures d'un hommage, rendu à l'homme qu'était Bernie Mac.

Comme une célébration du talent de l'humoriste, disparu prématurément peu après la fin du tournage. Au passage, on donne aussi un coup de chapeau à Isaac Hayes. Ce dernier, qui y va d'une petite participation dans Soul Men, est mort lui aussi il y a quelques mois.

«Très sincèrement, je crois que si Bernie avait pu déterminer lui-même le dernier film de sa vie, il aurait probablement choisi celui-là, déclarait récemment son comparse Samuel L. Jackson au cours d'une rencontre de presse tenue à Los Angeles. Soul Men rend en effet hommage à son talent d'entertainer, et ce film lui a de surcroît permis de camper un rôle où il a aussi pu faire valoir ses aptitudes pour le jeu dramatique.»

Réalisé par Malcolm D. Lee (Welcome Home, Roscoe Jenkins), Soul Men relate la relation tumultueuse de deux membres d'un ancien groupe à succès, qui ne se parlent plus depuis leur douloureuse séparation il y a 30 ans. La mort de l'ancien leader du groupe les force à se réunir, histoire d'honorer leur engagement de présenter un numéro spécial lors d'un spectacle hommage. Le moment est d'autant plus solennel que le happening est organisé au mythique Apollo Theater de Harlem, ce lieu où résonnent encore les notes des plus grands noms de la musique soul.

Et puisque nous sommes ici dans le monde de la comédie et du cinéma, le film mélange aussi les ingrédients du «road movie» (cinq jours de route pour se rendre à New York) et du «buddy movie» (deux êtres «que tout oppose» sont obligés de s'endurer). Une grande place est aussi laissée à la musique, les producteurs ayant eu accès au catalogue entier de Stax Records, label très important à l'époque.

«Bernie et moi nous connaissions depuis très longtemps, précise Jackson. Nous étions amis bien avant que nous soyons connus du public. Nous avons souvent tenté de nous chercher un projet commun au cinéma, mais nous n'avons jamais rien trouvé avant Soul Men.»

Il n'est pourtant pas dit que deux acteurs partageant une solide amitié empruntent nécessairement la même approche du métier. Amuseur public dans l'âme, Bernie Mac détestait les répétitions. Jackson, au contraire, est un adepte de la «méthode». Et ne laisse strictement rien au hasard, quitte à bûcher comme un forcené.

N'étant pas doublées dans les chansons, pas plus qu'elles ne pouvaient éviter d'exécuter les chorégraphies, les deux têtes d'affiche ont dû se prêter de bonne grâce à l'exercice, notamment avec l'aide de «coachs» vocaux.

Si Mac était un peu moins «rigoureux» sur le temps de répétition que son ami Jackson, son charisme naturel a fait merveille dans les circonstances. Des scènes captées lors du tournage, rassemblées à la fin du film en guise d'hommage, le montrent notamment en train d'improviser un spectacle pour les 500 figurants embauchés pour remplir le Apollo Theater.

«Des scènes comme celles-là sont longues à tourner et sont ponctuées parfois de très longs moments d'attente pour les figurants, fait remarquer le réalisateur Lee. Au lieu de rester bien peinard dans sa remorque, Bernie montait sur la scène et passait tout ce temps à leur faire un show de stand up. Je leur dois ma carrière; je peux bien faire cela pour eux, qu'il disait. Les gens l'adoraient!»

Quel public cible? 


Samuel Jackson a par ailleurs bien fait rire les quelques journalistes réunis devant lui quand il a raconté avoir posé la question suivante aux frères Weinstein (qui distribuent le film) après avoir pris connaissance du scénario: «Comment diable allez-vous vendre ça à un public de Blancs? que je leur ai demandé. Ils sont partis à rire!»

Les producteurs, Charles Castaldi et David T. Friendly, eux, l'ont trouvé un peu moins drôle. «Il est curieux que cette question soit toujours évoquée dans un seul sens, répondent-ils. Nous ne réfléchissons jamais à cela. Plusieurs films mettant en vedette des personnages blancs peuvent aussi être appréciés des Afro-Américains. À la veille d'une élection où nous nous apprêtons à élire un président noir, il est plutôt malheureux que de telles préoccupations meublent nos conversations.

Nous espérons simplement qu'un film puisse s'élever au-dessus de la question raciale. Le public de Bernie était d'ailleurs très diversifié.» 

Une chose est certaine, c'est que les frères Weinstein ont encouragé les artisans à créer une comédie qu'ils voulaient un peu outrancière, ou qui pourrait, à tout le moins, bousculer certaines idées reçues.

«Ils voulaient qu'on fasse une comédie avec un mélange de Bad Santa et de Grumpy Old Men! rappelle le réalisateur Malcolm D. Lee. Nous sommes arrivés avec un film qui, au bout du compte, est du pur Bernie Mac. Ses admirateurs devraient à mon sens être comblés, car Soul Men cristallise tout ce que nous aimions chez cet homme.»

Soul Men prend l'affiche le 7 novembre en version originale anglaise seulement. Les frais de voyage ont été payés par Alliance Vivafilm (MGM/The Weinstein Company).