Considéré comme l'un des meilleurs acteurs de sa génération, Philip Seymour Hoffman n'a emprunté qu'une seule approche pour donner chair au protagoniste de Synecdoche, New York: celle de s'abandonner aux mains de Charlie Kaufman.

Dans Synecdoche, New York, Philip Seymour Hoffman porte pratiquement sur ses épaules la responsabilité de mener d'un bout à l'autre le destin d'un personnage peu banal dans un univers dramatique qui l'est encore moins. «Je serais incapable de résumer ce film en une phrase, disait-il au cours d'une entrevue accordée à La Presse au Festival de Toronto. Il s'agit d'un point de vue subjectif sur la vie d'un homme. Voilà!»

Déjà très admiratif du travail de Charlie Kaufman, qui signe ici sa première réalisation, l'acteur a été intrigué dès que le célèbre scénariste lui a fait signe.

«Charlie a voulu me rencontrer mais il n'avait pas encore de scénario à me faire lire, rappelle l'acteur. Il m'a parlé de l'idée du film, mais la conversation a vite dérivé sur autre chose. Nous avons simplement pris plaisir à être ensemble. Quand le scénario est arrivé, plus tard, j'ai simplement été subjugué. Je ne savais pas vraiment comment Charlie s'y prendrait pour concrétiser sa vision, mais j'avais confiance. Je n'ai d'ailleurs aucune difficulté à lâcher prise quand je sais que le cinéaste est investi d'une véritable démarche.»

S'inspirant de ses préoccupations du moment, Kaufman, à qui l'on doit notamment les scénarios de Being John Malkovich et Eternal Sunshine of the Spotless Mind, a ainsi orchestré une fable autour du malaise existentiel d'un metteur en scène de théâtre.

«J'aurais pu m'identifier directement au personnage, car je viens moi-même du théâtre et je m'adonne aussi à la mise en scène depuis 10 ans, observe Hoffman. Cela dit, je ne fonctionne pas par phénomène d'identification. De toute façon, le récit s'articule surtout autour des relations amoureuses et familiales, et de la santé physique et mentale d'un individu qui sent ses capacités diminuer progressivement. Même si le protagoniste est aussi un créateur, cet élément reste plutôt accessoire.»

Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes il y a six mois, Synecdoche, New York y a été projeté là-bas en l'absence de l'acteur, même s'il était sur place pour soutenir le film.

«C'est un contexte trop étrange, explique l'acteur. Je suis incapable de voir un film dans lequel je joue en compagnie de centaines d'autres personnes. On ne fait alors qu'observer leurs réactions. C'est trop obsédant. Je préfère sortir de la salle une fois que l'équipe a été présentée. Quand c'est possible, j'essaie de voir le film tout fin seul afin de me faire une opinion franche sur mon travail, sans influence extérieure.»

Un goût très sûr

Le cinéma étant arrivé «par accident» dans la vie de celui qui a obtenu un Oscar grâce à son éblouissante performance dans Capote, Hoffman fait preuve d'un goût très sûr quand vient le moment de choisir ses projets.

«Je n'étais pas du tout cinéphile quand j'étais jeune. Le théâtre revêtait une plus grande importance à mes yeux. Quand le cinéma est entré dans ma vie, j'ai quand même eu envie de travailler avec des gens que je sentais habités d'un vrai désir, et en qui je pouvais déceler une volonté de proposer une vision intègre. Mon instinct ne m'a pas trompé souvent.»

Ce même instinct amène aussi l'acteur à se détacher assez rapidement des films auxquels il participe. «Il y a des oeuvres pour lesquelles j'éprouve évidemment plus de passion que pour certaines autres - Synecdoche en fait partie - mais j'aime passer à autre chose très vite. Comme un appel du corps qui me force à lâcher prise. De toute façon, il ne sert à rien de se complaire ou de se morfondre dans ce qu'on a déjà fait car on n'y peut plus rien. Ce qui est fait est fait. On ne peut revenir en arrière.»

Philip Seymour Hoffman sera aussi bientôt à l'affiche dans Doubt, l'adaptation cinématographique qu'a tirée John Patrick Shanley de sa propre pièce.