Sept ans après Moulin Rouge, Baz Luhrmann propose aujourd'hui Australia, une épopée romantique à l'ancienne, magnifiée par les présences de deux des plus beaux enfants du pays, Nicole Kidman et Hugh Jackman.

Ceux qui connaissent sa «trilogie du rideau rouge» le savent: Baz Luhrmann n'aime pas la fadeur. Il fait partie de cette race de cinéastes qui n'hésitent jamais à rajouter du glaçage sur le gâteau. Dans son esprit, le cinéma est forcément plus grand que la vie. Il aime magnifier les stars et les plongent dans des situations où leur aspect «glamour» sera mis en valeur, un peu comme à l'époque où Hollywood vivait son grand âge d'or.

«Je ne suis pourtant pas certain que j'aurais aimé être cinéaste à cette époque, confie Luhrmann au cours d'une entrevue accordée à La Presse le week-end dernier à Los Angeles. Bien sûr, j'ai grandi en rêvant à des films comme Gone with the Wind, Lawrence of Arabia ou Ben-Hur, mais le système des studios n'avait pas que des vertus, loin de là!»

Sept ans après Moulin Rouge, Luhrmann commence enfin un nouveau cycle, consacré cette fois à des sujets à caractère historique. Mais le destin a pris un détour imprévu. Pendant deux ans, l'auteur cinéaste a en effet consacré toutes ses énergies à mettre sur pied un film sur Alexandre le Grand. Le tout est tombé à l'eau lorsqu'il est devenu évident que le film d'Oliver Stone verrait le jour avant le sien.

«J'ai été anéanti, raconte Luhrmann. J'ai dû vivre un gros deuil. Tout était en place. Leonardo DiCaprio s'était déjà préparé pour son rôle, et le projet était avancé au point où nous avions carrément fait construire un studio exprès pour le tournage du film. Une annulation comme celle-là, je n'avais jamais rien vécu de tel.»

Il a pris un peu de temps pour encaisser le coup. Seul. Puis, il est parti rejoindre à Paris Catherine Martin - dont la mère est française -, complice artistique et à la ville, et leur petite fille.

«Le temps où nous avons vécu à Paris, des questions d'identité ont fait surface, notamment en regard de mes enfants. Qu'est-ce que l'Australie? Qu'est-ce qu'être Australien? Pourquoi ne parle-t-on pratiquement jamais des blessures de notre histoire récente, ni des liens entre les blancs et les aborigènes?»

La quête identitaire personnelle s'est transformée en superproduction où tous les éléments, drame, action, romance, comédie, sont érigés en grand spectacle. Nicole Kidman prête ainsi ses traits à une aristocrate anglaise qui, alors que la Deuxième Guerre mondiale fait rage, se rend en Australie afin de gérer un gigantesque domaine appartenant à son mari. Sur place, elle doit faire équipe avec un cowboy un peu rustre (Hugh Jackman) et traverser l'Outback afin d'aller à Darwin pour vendre des têtes de bétail, juste au moment où les Japonais s'apprêtent à bombarder la petite ville portuaire. Dans son périple, la Lady tente aussi de sauver des autorités un petit garçon qui, selon la Loi, devrait être récupéré par le gouvernement, étant donné qu'il est né d'une union «illégale» entre un blanc et une aborigène.

«C'est probablement cet aspect du récit qui me rend le plus fier, indique Luhrmann. Nous ne sommes pas très au fait de notre propre histoire.»

Un sauveur?

Australia étant le film le plus cher jamais produit en Australie (un budget 130 millions US), les attentes sont énormes. Dans le pays d'en-dessous, on compte sur le nouveau film de Luhrmann pour relancer l'industrie cinématographique locale, et aussi stimuler le tourisme!

«Je ne me vois pas en sauveur du tout! dit pourtant le cinéaste en riant. Cela dit, il est certain qu'une production de cette envergure peut ouvrir certaines portes. Très franchement, je ne vois pas un autre pays où une telle entreprise serait possible. Nous avons la chance d'avoir chez nous des vedettes connues mondialement. Ça aide!»

Tout ne fut pas de tout repos. D'abord, il a fallu convaincre les bonzes hollywoodiens de la viabilité du projet. «J'ai l'habitude, explique le cinéaste. On m'avait dit que Strictly Ballroom n'avait aucun potentiel populaire; que Shakespeare et son Roméo et Juliette ne serait jamais numéro un; et qu'étant une comédie musicale, Moulin Rouge s'écraserait! Aujourd'hui, ils ne me croient pas davantage mais ils me laissent aller. Ils prennent des risques avec moi. Et je leur en suis reconnaissant.»

Étant lui-même producteur de ses films, Luhrmann a aussi le dernier mot sur le montage final. Or, les médias ont beaucoup évoqué récemment les pressions qu'auraient exercées les dirigeants du studio Fox après une projection test afin que le cinéaste opte pour une fin plus «optimiste».

«Parce que quelqu'un va venir me dire quoi faire, vous pensez? Je ne croirais pas. Cette idée que la Fox voulait une fin moins tragique est ridicule. Après tout, ce sont eux qui ont produit Titanic, le plus grand succès de l'histoire du cinéma! La vérité est que j'ai écrit six versions de cette finale et que j'en ai tourné trois. Celle que j'ai finalement choisie a d'ailleurs été conçue spontanément - je fonctionne souvent comme cela - et s'est imposée au fil de l'évolution du récit. Dans mon esprit, un film n'est jamais fini. On vient plutôt vous l'enlever et il faut que vous le lâchiez. Et c'est toujours un moment difficile.»

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Australia prend l'affiche aujourd'hui. Les frais de voyage ont été payés par Twentieth Century Fox.