Rachelle Lefevre mange une poutine au Laurie Raphaël, rue Mansfield. L'actrice d'origine montréalaise est devenue une coqueluche du web depuis qu'elle a accepté de jouer le rôle d'un vampire dans le film Twilight, inspiré des romans à succès de Stephenie Meyer. Celle que l'on a vue entre autres dans Stardom habite depuis quatre ans à Los Angeles. Discussion sur la célébrité.

Marc Cassivi: Comment tu te sens de revenir à Montréal et de recevoir autant de d'attention médiatique?

Rachelle Lefevre: C'est à la fois bizarre et incroyable. Je revois mes amis et mon père, qui habite tout près de Saint-Jovite, et rien n'a changé. Mais j'habite à l'hôtel et je me demande: «C'est la vie de qui ça?»

M.C.: Tu es au début de la célébrité...

R.L.: Oui, vraiment au début. Je suis un peu célèbre auprès des fans de Twilight, mais à l'extérieur de ce cercle, je reste vraiment inconnue. J'aime beaucoup ça. C'est parfait. J'en profite. Je ne suis pas idiote. Je sais que tout ça pourrait s'arrêter demain matin. Je ne sais pas comment je réagirais si je devenais célèbre tout à coup.

M.C.: Ça te fait peur?

R.L.: Je crois que j'aurais de la difficulté à m'y ajuster. Rob Pattinson, qui joue Edward (dans Twilight), ne va presque nulle part sans un garde du corps. J'ai dîné avec lui et il y avait un garde du corps. Je n'ai pas pitié de lui. Ce n'est pas une sinécure. Mais ce n'est pas ce que je veux. Je n'aimerais pas être obligée d'organiser ma vie en sachant qu'un garde du corps doit me suivre partout. Je ne veux pas être coincée dans un restaurant parce que je ne peux pas quitter les lieux sans qu'une voiture vienne me chercher à la porte. Ce sont de petits trucs, mais qui font que l'on peut se sentir prisonnier de sa vie.

M.C.: As-tu déjà été dérangée par des paparazzis?

R.L.: Oui. Je magasinais dans une rue, Robertson Boulevard, où les artistes vont exprès se faire photographier par les paparazzis. Il se trouve que c'est à côté de chez moi. J'y suis allée comme d'habitude, sans réfléchir, sauf que c'était après le début de la promotion de Twilight. On m'a reconnue. J'ai marché dans la rue entourée de 15 paparazzis qui me posaient des questions indiscrètes pendant qu'ils m'aveuglaient avec leurs flashs. J'étais seule. Ils bloquaient ma voiture. Ils ont seulement bougé quand je me suis avancée, comme pour les écraser. J'ai roulé deux minutes, j'ai vérifié qu'il n'y avait plus personne, je me suis arrêtée, et j'ai pleuré. J'avais l'air terrifiée sur les photos. J'étais curieuse, alors je les ai cherchées sur le web.

M.C.: C'est fou...

R.L.: Je me suis dit que je ne voulais plus jamais vivre une telle expérience. Je ne comprends pas pourquoi des gens cherchent absolument ce genre de publicité. Je ne suis plus jamais retournée sur ce boulevard. Mais il faudrait que je le fasse. Je ne vais pas laisser quelques paparazzis dicter ma vie.

M.C.: As-tu l'impression que tu peux d'une certaine façon contrôler ton degré de notoriété en choisissant tes rôles?

R.L.: Plus ou moins. Une fois que tu es célèbre, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons, tu ne peux plus revenir en arrière. Si tu choisis de bons rôles, on parle de toi. Mais si tu disparais, on se demande ce que tu es devenue. On ne s'en sort pas. J'ai une vie très normale à L.A. Il n'y a pas de photos de moi soûle en sortant d'un bar dans les magazines à potins.

M.C.: C'est peut-être l'avantage de devenir célèbre à 29 ans plutôt qu'à 19 ans.

R.L.: C'est vrai. Si ça m'était arrivé il y a 10 ans, je ne sais pas comment j'aurais réagi. À 22 ans, je dansais sur les tables au Globe! Comme bien des gens de 22 ans. On aurait pu prendre des photos très peu flatteuses de moi! Il faut avoir un sens de l'humour quand on est acteur à L.A., parce que les gens peuvent être méchants.

M.C.: Il faut se faire une carapace...

R.L.: Oui. Il n'y a pas de limites. On peut se moquer de ton poids, de ta taille, de ton talent, du travail que tu fais.

M.C.: Avec le web, il n'y a plus de politesse qui tienne.

R.L.: Les gens se cachent derrière l'anonymat. Il ne faut pas le prendre personnel. Les gens sont fâchés et se vengent sur les célébrités. C'est plus facile d'écrire qu'une telle a pris du poids que de se regarder dans le miroir quand on n'est pas bien dans sa peau. C'est de la psychologie à cinq cennes - j'ai étudié un peu la psychologie à McGill - mais je vais le dire quand même: il y a partout des gens malheureux qui tentent de propager leur malheur aux autres pour partager leur peine et se sentir moins seuls.

M.C.: Je suis très intéressé au rapport à la célébrité. Je comprends mal pourquoi certains perdent la tête parce qu'ils sont en présence d'une personne célèbre.

R.L.: J'ai quelques amis célèbres et j'ai remarqué l'effet qu'ils ont sur les gens. C'est vrai que c'est étonnant. Les gens changent en leur présence. Au restaurant, au cinéma. Je ne critique pas ça. Je comprends que l'on puisse être fan. Mais c'est bizarre de voir des gens prendre une personne que je connais pour un dieu, alors que je sais qu'elle est non seulement normale, mais qu'elle peut parfois être ridicule. Je comprends la raison d'être de la célébrité. Les gens ont besoin d'échapper à la réalité et d'aspirer à certaines choses. Ils ont besoin de rêver. Et les célébrités symbolisent cette part du rêve. Je respecte ça. Mais quand les gens font la projection de leur malheur sur des célébrités, je trouve ça beaucoup moins intéressant.