L'amour peut-il durer toute une vie? Alors que l'espérance de vie ne cesse de s'allonger, peut-on passer son existence avec le même conjoint? Qu'en est-il de l'homme marié et père de famille qui, dans la quarantaine ou la cinquantaine, décide de tout balancer pour repartir à zéro?

Claude Meunier (se) pose beaucoup de questions sur l'amour, le bonheur conjugal et la famille dans son premier long métrage, Le grand départ, mais ne comptez pas sur lui pour se transformer en spécialiste des coeurs meurtris et des mariages malheureux. À 57 ans, le Pôpa de La petite vie compte assez de kilométrage au compteur pour savoir que les solutions sont propres à chacun. Pour lui, le plaisir de ce premier film réside d'abord et avant tout dans le privilège de pouvoir aborder la famille comme vecteur unique de «bonheur, de crise et de changement».

Dans une entrevue au Soleil, le célèbre humoriste explique que l'idée de départ (à l'origine un projet de télésérie pour Radio-Canada) est née de sa propre expérience et de cas observés dans son entourage. «La plupart des personnages de mon film, je les connais pas mal toutes...», glisse-t-il, un brin moqueur.

Pour Le grand départ (à l'affiche la semaine prochaine), Claude Meunier a sonné le rappel de presque toute la troupe de La petite vie. Marc Messier se glisse dans la peau de son antihéros, Jean-Paul, un médecin de 53 ans qui plaque tout - femme, enfants et maison - pour repartir à neuf avec une artiste peintre 25 ans plus jeune que lui (Hélène Bourgeois-Leclerc), au grand désarroi de sa femme (Guylaine Tremblay). Son ami, voisin, collègue et... éternel partenaire de scrabble, Henri (Rémy Girard), marié à la borderline Pauline (Diane Lavallée), aura aussi bien du mal à avaler la pilule.

«Ji-Pi» quittera une vie pour en commencer une nouvelle, mais ce ne sera pas nécessairement du gâteau. Une fois l'ivresse amoureuse passée (clin d'oeil savoureux à une vieille chanson d'Adamo...), notre doc découvrira les facettes moins drôles de sa nouvelle existence : l'ado suicidaire qui cherche à le rendre coupable et qui s'incruste dans sa nouvelle vie, le nouveau beau-père (presque aussi vieux que lui...), l'ex qui ne lâche pas prise, les problèmes d'argent, les patients de son cabinet...

Entre humour et drame

Qu'on ne s'y trompe pas, malgré son petit côté qui rappelle Les voisins, sa pièce maîtresse, Meunier n'a pas voulu faire uniquement dans la comédie et l'absurde. À l'image de ses cinéastes fétiches (Woody Allen, Ettore Scola, Denys Arcand), il a préféré se tenir en équilibre précaire entre humour et drame.

«J'aime les films drôles et touchants, comme ceux du cinéma italien. J'aime voir les deux côtés de la vie, à la fois l'aspect comique et l'aspect dramatique. Parce que la vie, c'est ça. Ce qui peut être dramatique pour l'un peut être drôle pour l'autre. Mais au-delà de ça, il y avait aussi le challenge de faire un film sur ma génération.»

Pendant les six mois d'écriture du scénario, Meunier s'est allègrement creusé le ciboulot sur la vie de couple. Pour en arriver finalement à penser qu'il faudrait plus qu'une vie pour essayer de tout comprendre...

«Il n'y a pas de solution, finalement. Chaque individu a la sienne, selon l'étape où il est rendu dans sa vie. Car c'est bien clair que notre façon d'être en relation avec l'autre change à mesure qu'on vieillit. On n'est pas la même personne à 25 ans qu'à 50 ans. Mais ce qui demeure, c'est la volonté de retomber en amour. La passion, c'est comme une drogue. (...) Mais on s'en fait tellement quand on laisse quelqu'un. Ça marque au fer rouge.»

Meunier croyait bien avoir obtenu la réponse existentielle sur le couple et son avenir, un jour qu'il écoutait sur Internet un professeur de l'Université de Namur, spécialisé en philosophie et anthropologie. «Il «schématisait» l'amour et le couple, toujours dans les convenances, selon différents critères. Je l'ai écouté longuement, en me disant que j'aurai enfin la solution. Il a fini par aboutir et dire que la solution était l'amour dans le couple. J'étais très déçu... (rires)» L'expérience n'a pas été vaine, car Meunier a décidé d'utiliser ce docte professeur «faux intello», en ouverture et en fermeture de son film.

Le secret : une bonne équipe

Claude Meunier aime bien s'entourer de son monde, de ses amis et collaborateurs de La petite vie, des Voisins ou des Noces de tôle. «Des valeurs sûres», explique-t-il. Il a songé un moment à se donner le rôle tenu par Rémy Girard. Ce Henri forme avec Diane Lavallée un couple «profondément pathétique et aliéné», trop occupé qu'il est, à titre de taxidermiste amateur, à «empailler sa vie».

«Plus je l'écrivais, moins je pensais que c'était moi.» Meunier s'est toutefois repris de façon fugace. On peut l'apercevoir faire un Hitchcock de lui-même, en voisin écornifleur, «sorte de catalyseur pour faire exploser le personnage de Jean-Paul».

De toute façon, il était déjà passablement occupé dans la chaise de réalisateur. Une expérience suffisamment concluante et heureuse pour l'amener à récidiver si l'occasion se présente. «Ce qui me faisait le plus peur, c'était la technique. Mais quand tu es bien entouré comme je l'ai été, c'est plus facile. En cinéma, l'équipe est très importante.»