George Mihalka vient de loin. De la Hongrie, précisément. L'homme s'est lentement et patiemment taillé sa place dans le petit milieu du cinéma canadien à une époque où il était encore bien vu de considérer avec mépris les films commerciaux et populaires.

Voici qu'un de ses premiers longs métrages, My Bloody Valentine, drame d'horreur sorti en 1981 et à ranger parmi les objets cultes, bénéficie d'une double cure de jouvence : un remake et une réédition DVD de l'original.

«Oui, je suis un cinéaste imprévisible. J'aime toutes sortes de films, je suis un cinéphile très éclectique, de la même manière qu'un jour j'écoute Bach et que le lendemain j'écoute The Sex Pistols», explique l'artiste et travailleur du cinéma à la filmographie foisonnante.

De Pinball Summer à Scandale, en passant par The Blue Man, The Psychic, The Straight Line (avec Mister T), La florida, L'homme idéal, Les boys IV, quelques séries télévisées, et, bien sûr, ce My Bloody Valentine, redécouvert et enfin apprécié à sa juste valeur par les plus jeunes fans de cinéma d'horreur.

Profitant vaguement du succès de Halloween et Friday the 13th, My Bloody Valentine, présenté au Festival du film fantastique d'Avoriaz, se démarquait du lot des sous-produits par ses considérations sociales et politiques, «messages» amenés par la bande, car il s'agit tout de même d'un film commercial destiné au vaste public mangeur de pop-corn et avide de sensation.

Mihalka et ses complices ont ajouté à ce produit destiné aux ados une touche de subversion: «On voulait créer un film d'horreur qui se distinguait de la production ordinaire, un film populaire avec un peu de conscience sociale, une sorte de message politiquement subversif et amené de manière presque subliminale.

Il y a une sorte de maturité qui se développe à propos des films de genre. Ça me donne beaucoup de plaisir de faire rire, de faire peur, enfin de divertir ce public qui dépense de l'argent, dûment gagné, pour voir nos films.»

En cela, le film de Mihalka se rapproche des oeuvres de cinéastes adulés par les fans comme John Carpenter, Wes Craven, Joe Dante, George Romero et, plus près de chez nous, les Canadiens Jean-Claude Lord et feu Bob Clark.
«Il est question, de façon insidieuse, de la lutte des classes dans My Bloody Valentine.

Des gens qui ont trahi la loyauté des ouvriers et qui sont punis. On y voit des jeunes dans la vingtaine, sans avenir, dans un milieu rural, alors qu'à l'époque des mines, des usines et des manufactures fermaient. C'était un peu le début de la fin d'une certaine classe ouvrière.»

En effet, dans ce film, des crimes sont commis dans un village de la Nouvelle-Écosse où, après un événement terrible causant la mort de braves mineurs au soir de la Saint-Valentin, cette fête de l'amour n'est plus célébrée depuis une vingtaine d'années.

Mais quelques jeunes gens étourdis brisent le tabou, à leurs risques et périls...

Réalisé en 1980 par un George Mihalka de 27 ans et distribué par la Paramount en 1981 dans 1200 salles partout en Amérique, avec la mention X sur l'affiche, My Bloody Valentine, d'abord rejeté par la critique officielle, a acquis l'enviable statut de «film culte», surtout après que Tarantino en ait parlé comme de son «slasher» préféré des années 80.

Mihalka explique: «Au Canada, c'était l'époque des films d'auteur, les films de genre étaient systématiquement dénigrés dans les milieux culturels. Puis, au début des années 90, notre film a été redécouvert par des jeunes intellectuels, des artistes underground, avec l'Internet, avec les magazines consacrés au cinéma de genre, avec l'appui des fans venus d'Allemagne, du Japon, des États-Unis.

Et le remake du français Patrick Lussier (notre critique en page 10) est pour moi une sorte de consécration.»

On attend fébrilement la sortie du DVD de la version originale, non censurée.