Sundance amène l'Irak, le rap, le sexe - et accessoirement Mariah Carey, Anna Wintour ou Gael Garcia Bernal - au coeur des montagnes de l'Utah. Amorcé depuis jeudi soir avec Mary and Max, un film d'animation grave et léger, le festival le plus célèbre des États-Unis bat son plein avec une programmation aussi éclectique qu'éclatée.

Samedi soir, minuit. L'ambiance est électrique parmi les 1200 spectateurs venus assister à la première mondiale du documentaire The Carter. Portrait du rappeur le plus célèbre du moment, Lil Wayne, The Carter est un «putain de bon film», selon le mot de son réalisateur, le jeune et déjà habitué du festival Adam Bhala Lough.

Avec près de 300 films au programme, et autant de «putain de films» potentiels à découvrir, le festivalier boulimique pourra s'étonner de voir les loges des commanditaires du festival, érigées le long de l'artère principale de Park City, toujours pleines. Car, en dépit du tumulte de la rue, c'est bien dans les salles obscures dispersées entre champs, centres commerciaux et hôtels que bat le coeur de Sundance.

Le choix de Mary and Max, l'ambitieux film d'animation réalisé par le très indépendant Adam Elliot, en ouverture du festival, annonçait un retour aux choses sérieuses. Après un cru 2008 marqué par les comédies, Sundance 2009 réunit, dans les documentaires comme dans les fictions, plusieurs variations autour de la guerre en Irak.

Taking Chance, de Ross Katz, fait vivre un voyage souvent caché au public: celui du corps d'un soldat américain, de l'Irak à sa famille. Inspiré par le journal du lieutenant-colonel Michael Strobl, le documentaire produit par HBO a fait couler, lors de sa présentation à la presse et à l'industrie, bien des larmes.

Particulièrement émouvant également, Sergio, de Greg Barker, revient sur l'attentat qui a coûté la vie à l'émissaire des Nations unies en Irak Sergio Vieira de Mello, le 19 août 2003. Vu du côté afghan, Afghan Star, de Havana Marking, se penche sur l'adaptation afghane d'American Idol. The Glass House, de Hamid Rahmanian, suit le destin, en Iran, de filles marginalisées.

Des films militants

Les organisateurs de Sundance n'ont jamais caché leur engagement politique et il semble que, conformément au voeu de son fondateur, Robert Redford, les films y soient plus militants. Ainsi, Reporter, inspiré par le journaliste du New York Times Nicholas D. Kristof, pose des questions fondamentales sur la couverture des tragédies géopolitiques et notre propension à la compassion.

Après An Inconvenient Truth, de Davis Guggenheim, le festival de cinéma présente un nouveau documentaire sur l'environnement, Earth Days, de Robert Stone, en clôture. Après tout, Sundance est aussi le festival qui distribue, avec ses accréditations, des gourdes pour réduire le gaspillage causé par l'eau embouteillée et du thé biologique.

Du côté de la fiction, quelques films commençaient à se faire remarquer hier. Brooklyn's Finest, d'Antoine Fuqua, avec Richard Gere, est le premier film a avoir été acheté par un distributeur, selon le quotidien Variety. La coproduction Canada-États-Unis Amreeka, de Cherien Dabis, bénéficie aussi d'une rumeur favorable. Pétri de finesse et d'humour, Amreeka raconte l'immigration, au début de la guerre en Irak, d'une Palestinienne aux États-Unis.

Il faut dire le plus grand bien aussi de Humpday, de Lynn Shelton. Dans le plus pur style Sundance, cette comédie à petit budget - dans laquelle réapparaît l'un des acteurs de Blair Witch Project, Joshua Leonard - met en scène deux amis d'enfance qui décident, pour les besoins d'un festival porno amateur, de tourner un film gai avec deux hétéros: eux-mêmes.

Plutôt bien reçu également, le documentaire The September Issue de R.J. Cutler plonge dans l'univers hostile de la mode et de sa prêtresse aussi crainte que respectée, l'éditrice de Vogue, Anna Wintour. Rappelant Le diable s'habille en Prada ou les loufoqueries de Derek Zoolander, The September Issue n'a pas réussi à froisser Anna Wintour, qui a gratifié Sundance de sa présence vendredi soir.

Enfin, I Love You Philipp Morris, avec Jim Carrey et Ewan McGregor, ou The Informers, adapté de Breat Easton Ellis, font partie des films attendus à Sundance. Le festival se poursuit jusqu'au 25 janvier.