La scène semblait relativement simple à réaliser. Après un bref dialogue suivi d'un baiser passionné, la passagère descend de voiture, et le conducteur démarre, puis s'engage dans la rue Franklin. Cela aurait été un jeu d'enfant, si seulement le jeune homme au volant avait su conduire.

Les maladresses de Francis Ducharme, l'apprenti pilote en question, ont bien fait rigoler l'équipe technique et les journalistes invités sur le plateau de tournage du nouveau film de Sophie Deraspe, mardi. De fait, personne n'avait songé à demander à l'acteur s'il possédait un permis de conduire en règle avant de l'engager. Le pauvre, il partait visiblement de loin. Après quelques échecs assez humiliants, il a quand même fini par saisir le principe.

Dur, dur, le tournage extérieur en hiver. Pour une séquence d'une minute, comptez facilement deux ou trois heures de travail. Le thermomètre avait beau marquer un «confortable» 12 degrés au dessous de zéro, l'humidité de l'air finissait par traverser l'épaisseur des vêtements. Avec le petit vent froid qui s'insinuait traîtreusement dans les rues étroites du quartier Saint-Sauveur, vous étiez tôt ou tard transi. Pour compliquer encore la situation, voilà le vieux tacot loué pour tourner la scène qui refuse de démarrer!

La patience et la résistance affichées par l'équipe tranchaient décidément avec l'irritation d'un automobiliste soi-disant pressé qui pestait de devoir patienter 30 secondes au coin du boulevard Langelier. Alors que la voie était de nouveau libre, l'homme en colère a pris le temps de descendre de voiture pour engueuler les techniciens.

 

L'incident n'a pas affecté outre mesure le cours des opérations. Entre la direction des acteurs et le maniement de la caméra, Sophie Deraspe n'a guère le temps de faire attention à ce genre de détail. Au fond, cela fait partie du jeu. «J'aime beaucoup Québec, surtout ses quartiers populaires, là où les gens vivent. Ils ont quelque chose de singulier», dira un peu plus tard la réalisatrice lors d'une rencontre autour d'une bonne soupe bien chaude. Les rues de Saint-Roch et de Saint-Sauveur, où les genres les plus différents se côtoient, ont à ses yeux un charme peu commun. «Les façades donnent directement sur le trottoir. On ne voit aucun arbre dans les rues, que des poteaux. Je trouve que ça a un côté western.»

Budget de 1,1 million $

La cinéaste de 35 ans a grandi aux Îles-de-la-Madeleine et à Rimouski. Elle détient un diplôme en cinéma de l'Université de Montréal. Le film qu'elle tourne en partie à Québec est son deuxième long métrage. Il s'intitule provisoirement Signes vitaux. «Je fais du cinéma de fiction qui tend à se rapprocher du documentaire, explique celle qui a assisté Philippe Falardeau à la réalisation de La moitié gauche du frigo. J'aime la surprise, les conditions incontrôlées, la spontanéité.»

Signes vitaux se déroule dans le milieu des soins palliatifs. Il met en vedette Marie-Hélène Bellavance. Cette jeune artiste qui, dans la vraie vie, pratique les arts visuels et la danse contemporaine n'avait aucune expérience en art dramatique avant que Sophie Deraspe lui propose le rôle. «Elle m'a tout de suite intéressée par sa beauté, sa lumière, sa photogénie», fait valoir cette dernière.

Simone, le personnage principal, éprouve de la difficulté à nouer des relations profondes avec les gens, sinon avec ceux qui n'en ont plus pour très longtemps à vivre. Des gens comme Mme Perrin, interprétée par Danielle Ouimet. Son problème existentiel refait surface lorsque débarque dans sa vie Boris, un ancien petit ami qu'incarne le comédien Francis Ducharme, le conducteur en herbe de tout à l'heure.   

Signes vitaux est produit par Les Films Siamois à partir d'un budget de 1,1 million $ et a été tourné en 23 jours, dont six passés à Québec. Sa sortie est prévue à l'automne.