Qu'on souscrive ou non à la proposition contenue dans son nouveau film, force est de reconnaître que François Ozon fait preuve de culot. Ricky, qui fut présenté en compétition officielle hier, est une espèce de fable sociale, dessinée à partir de la particularité étrange d'un bébé.

«Idéalement, j'aimerais que les spectateurs voient le film sans ne rien savoir de l'histoire, confiait hier le cinéaste au cours d'une interview conduite par quelques journalistes, parmi lesquels celui de La Presse. Mais je sais très bien qu'à notre époque, il est utopique de croire que ce genre d'information puisse être gardée secrète. Un clic sur l'internet et vous savez déjà tout. Cela dit, cette histoire n'est pas réduite à une simple anecdote. À mes yeux, Ricky est avant tout le portrait d'une famille en mutation, dans lequel je m'attarde particulièrement à la mère.»

Cette mère est campée par Alexandra Lamy, la «fille» du Un gars, une fille français (à l'affiche de Modern Love, en salle depuis hier). Sergi Lopez prête ses traits à son nouveau conjoint, père du petit Ricky.

«Un ami m'a fait lire cette nouvelle, intitulée Moth, contenue dans un recueil de la romancière anglaise Rose Tremain, explique Ozon. J'ai tout de suite pensé qu'on pourrait en tirer un film, mais j'avais le sentiment que je n'étais pas le mieux placé pour le faire. Ou il fallait en faire quelque chose de très «disnéen», ou alors, au contraire, aborder le récit de façon très naturaliste, à la manière de Ken Loach ou des frères Dardenne. Deux ans après avoir l'avoir lue, la nouvelle me restait toujours en tête. J'ai décidé de m'y coller.»

Pour la première fois, le réalisateur de 8 Femmes s'attarde ainsi à dépeindre des personnages issus d'un milieu modeste, où l'environnement dans lequel ils évoluent a une influence directe sur leurs actions.

Ricky laisse en tout cas perplexe. L'ensemble se révèle indéniablement audacieux, dans la mesure où le caractère extraordinaire de l'histoire intervient dans un contexte éminemment réaliste. On a toutefois l'impression que le cinéaste cherche sur quel pied danser.

Mais réussi ou pas (le film a beaucoup divisé les festivaliers), Ozon estime que Ricky constitue une étape importante dans sa carrière.

«Ce film a été très difficile à financer, car personne n'y croyait, dit-il. Aussi ai-je dû changer complètement d'équipe sur le plan de la production. D'une certaine façon, Ricky est le film de la renaissance!»

Les frais d'hébergement pour ce reportage sont payés par le Festival de Berlin.