À Cannes, c'est bien connu, le verdict des professionnels sur un film est implacable et tombe dès l'apparition du générique. À Berlin, on fait habituellement preuve d'un peu plus de retenue. Hier, pendant un moment, on se serait pourtant cru davantage sur la Croisette qu'au Berlinale Palast.

Une partie du public de la toute première projection de Mammoth ne s'est en effet pas gênée pour huer copieusement la nouvelle oeuvre de Lukas Moodysson (Fucking Amal, Together). Les admirateurs ont bien essayé de faire entendre leurs applaudissements à leur tour, mais il est clair que le film a déclenché les passions.

«Je ne veux pourtant pas provoquer un débat, a déclaré le réalisateur lors d'une conférence de presse tenue quelques minutes après la projection. En revanche, je souhaite que les gens réagissent et qu'ils le fassent à leur manière. Je n'ai aucun problème avec ça. Si les gens veulent discuter ensuite de la façon dont on prend soin des enfants dans les pays riches et dans les pays pauvres, tant mieux. Mais le but n'est pas de créer une polémique. J'utilise le cinéma comme mode d'expression pour dire ce que j'ai dans mes tripes. C'est tout.»

Mammoth, qui met en vedette Gael Garcia Bernal et Michelle Williams, montre en parallèle les difficultés auxquelles fait face un riche couple de professionnels new-yorkais et celles de la nounou de leur fillette. Venue des Philippines, Gloria (Marife Necesito) a laissé derrière elle deux jeunes garçons afin d'amasser la somme nécessaire à leur mieux-être. Quant à ses patrons - elle est chirurgienne-urgentiste et il est à la tête d'une entreprise de jeux vidéo -, leur vie trépidante est bien entendu source de questionnements. Aussi Leo (Bernal) se trouvera-t-il en crise existentielle à la faveur d'un séjour d'affaires en Thaïlande.

La mondialisation et la fracture entre le Nord et le Sud figurent au centre des thèmes abordés dans Mammoth. Moodysson, qui a eu l'idée de ce film en réfléchissant au sort de tous ces gens venus d'ailleurs qu'on emploie pour faire des ménages dans les métropoles occidentales, n'évite pas les clichés. Il tombe parfois même dans la morale à trois sous. De nombreux effets de style - on pourrait aussi parler d'effets de mode - finissent aussi par se poser en travers de tout propos substantiel et donnent au film un caractère foncièrement anecdotique.

De par la manière, on ne peut aussi s'empêcher d'évoquer le souvenir de Babel. Ce qui n'est pas du tout à l'avantage du nouveau film de Moodysson.

«Quelqu'un m'en avait fait la remarque au moment où il avait lu une version du scénario, mais je n'en ai pas tenu compte parce que je n'avais pas vu le film, a expliqué le cinéaste. J'ai d'ailleurs décidé de ne pas le voir. Il y a parfois des thèmes qui sont dans l'air du temps et je trouve ça très bien ainsi. Cela veut dire qu'il y a un écho à des préoccupations bien réelles.»

Gael Garcia Bernal, qui avait un rôle dans le célèbre film d'Alejandro Gonzalez Inarittu, réfute de son côté toute impression de similitude.

«Cette comparaison me semble trop facile, a-t-il dit. Ce n'est pas parce que des films se déroulent à la fois sur plusieurs continents qu'ils se ressemblent tous. Babel utilisait d'autres outils, dans un récit où tout reposait sur des coïncidences. Mammoth fait plutôt écho au besoin basique d'affection que nous avons tous, mais qui n'est pas toujours satisfait, étant donné qu'il ne figure pas toujours dans les priorités des gens. Et il le fait sans jugement.»

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Les frais d'hébergement pour ce reportage sont payés par le Festival de Berlin.