La colère sous la brume (suite)

Lors de sa conférence de presse, samedi, Bertrand Tavernier n'avait pas vraiment voulu commenter la décision qu'a prise le coproducteur Michael Ftitzgerald de sortir In the Electric Mist, son nouveau film, directement en DVD sur le territoire nord-américain. Le cinéaste avait toutefois laissé entendre que la version DVD, qu'il n'a pas supervisée, pourrait être différente de celle qu'il présente à la Berlinale. Selon les journaux spécialisés américains, les deux versions seraient en effet très dissemblables. Le producteur aurait remonté le film à sa guise pour en tirer une version amputée de 15 minutes par rapport à la version «internationale», laquelle sera présentée partout ailleurs dans le monde. C'est évidemment cette dernière version, qu'il a peaufinée lui-même, que Bertrand Tavernier revendique. Aurons-nous un jour l'occasion de voir le «vrai» film au Québec?

Rage: exercice assommant

On a peine à croire que Rage, autre film de la compétition présenté hier, soit signé Sally Potter, une réalisatrice qui nous avait déjà donné de remarquables films, dont Orlando et The Tango Lesson. Rage est un exercice de style très creux auquel une quinzaine d'acteurs - dont certains très renommés (Jude Law, Judi Dench, Steve Buscemi, Dianne Wiest et on en passe) - ont prêté leur talent. Face à la caméra, avec pour tout décor une toile de fond, les personnages viennent tour à tour se confier pour expliquer les dessous du monde la mode. Ça se veut «branchi-branché» mais ça n'est qu'assommant. On saluera quand même la réalisatrice pour son intuition. Elle a en effet choisi un titre qui traduit parfaitement le sentiment qui animait le public à la sortie.

Gigante: gentil géant

Les grands noms ayant déçu hier, c'est finalement un inconnu venu d'Uruguay qui s'est distingué dans la compétition. Pour son premier long métrage, Adrian Biniez s'attarde à décrire avec un humour très fin le parcours sentimental d'un gardien de nuit dans un supermarché, qui hésite à déclarer son amour à une collègue qui fait partie de l'équipe d'entretien. Amateur de heavy metal, videur aussi dans des boîtes pour arrondir les fins de mois, ce colosse est campé avec beaucoup de sensibilité par Horacio Camandulle. Et on tombe sous le charme.

Message aux cinéastes

Tout le monde s'accorde à dire que la chanson de Cat Power The Greatest est magnifique. Et l'on ne peut que vous comprendre de vouloir l'utiliser. Toutefois, il serait maintenant temps de faire preuve de réserve. Entendue dans le film de Wong Kar-wai My Blueberry Nights il y a deux ans, où elle a marqué les esprits, voilà qu'on peut la réentendre coup sur coup à la Berlinale. François Ozon a en effet choisi la chanson de Cat Power pour accompagner l'épilogue de son étrange Ricky, et Lukas Moodysson s'en sert aussi pour souligner les moments d'émotion dans Mammoth. Oui, la chanson est belle. Mais si ça continue, on risque la surdose.