D'abord considéré comme le petit «pouilleux sympathique», Slumdog Millionaire domine aujourd'hui la course aux Oscars au point d'être pratiquement imbattable. Du coup, le drame indien de Danny Boyle risque de passer à l'histoire.

Une histoire à la Cendrillon comme celle qui semble être en voie de se produire pour Slumdog Millionaire est une première. Bien sûr, plusieurs productions réalisées en marge de la machine hollywoodienne ont déjà été célébrées aux Oscars d'une façon ou d'une autre. Il y a deux ans, Little Miss Sunshine a créé un engouement au point de passer à deux doigts de décrocher le titre suprême.

L'an dernier, Juno tenait sensiblement le même rôle dans la course. On se rappellera aussi que Crash était venu jouer les trouble-fêtes pour ravir à la toute dernière minute la statuette promise aux cowboys de Brokeback Mountain.

Habituellement, on mesure assez bien les volatilités dans l'humeur des académiciens pendant le mois qui sépare l'annonce des mises en nominations de la cérémonie. Même si, pour reprendre l'exemple de Crash, personne ne croyait vraiment que le film de Paul Haggis causerait l'une des plus grandes surprises de l'histoire des Oscars (rappelez-vous le «Woa!» qu'a spontanément lancé Jack Nicholson en ouvrant l'enveloppe), on se doutait bien que quelque chose était en train de se passer.

Désigné hyper favori au départ de la course, le film d'Ang Lee, qui avait obtenu le plus grand nombre de nominations, était en effet de plus en plus contesté au fil de la campagne. Un effet de lassitude s'était subrepticement installé au fur et à mesure que Brokeback Mountain glanait tous les prix remis par les différentes associations professionnelles.

Un revirement pareil est pratiquement impossible cette année. L'ascension de Slumdog Millionaire est tellement constante, tellement solide, tellement incontestable, que son triomphe demain ne fait presque plus aucun doute. Peut-être cette certitude découle-t-elle du statut de «négligé» que le film de Danny Boyle conserve, malgré les prix qui lui tombent dessus depuis quelques mois.

Après tout, The Curious Case of Benjamin Button devrait en principe faire figure de favori, étant donné qu'il domine la course avec pas moins de 13 nominations. Dans la pratique, il n'en est rien.

Le «pouilleux millionnaire» a beau avoir été gratifié d'un nombre imposant de sélections, 10 pour être précis, il reste quand même dans la position confortable du numéro deux, celle où toute avancée sur le leader ne peut que constituer une victoire.

Nul n'aurait pourtant pu prédire pareil destin. Tourné avec un budget modeste (13 millions de dollars), à une époque où les grands studios étaient en train de se restructurer, Slumdog Millionaire a bien failli rester coincé dans les mailles du système de distribution.

Quand la société Warner Independent fut dissoute pour intégrer le giron de la grande soeur hollywoodienne, il fut en effet question de reléguer le film aux oubliettes et de le sortir directement en DVD (de facto non admissible aux Oscars). Fox Searchlight, qui avait déjà distribué quelques films de Danny Boyle (dont 28 Days Later), est venu à la rescousse et en a acheté les droits.

C'est au Festival de Toronto que la rumeur s'est emballée. Lauréat du prix du public dans la Ville reine, le «petit» film que plus personne ne voulait a soudain pris du galon. Et a poursuivi sa marche triomphale sans coup férir.

Si Slumdog Millionaire parvient à décrocher demain soir les Oscars les plus prestigieux (film, réalisation, scénario), Danny Boyle pourra se vanter d'avoir écrit un nouveau chapitre dans l'histoire des Academy Awards.

Une cérémonie dépoussiérée

La cérémonie, qu'on tente de renouveler pour attirer de nouveaux téléspectateurs, sera animée pour la première fois par l'acteur Hugh Jackman. À trois occasions, ce dernier a déjà fait un travail remarquable d'animation aux Tony Awards, récompensant les productions théâtrales new-yorkaises. Conçue par Bill Condon et Laurence Mark, réalisateur et producteur de Dreamgirls, cette soirée, rappelons-le, est diffusée par le réseau ABC (dont le signal est relayé chez nous par CTV) et commence officiellement à 20h30 (arrivée des vedettes sur le tapis rouge à 20h).

Fidèle à son habitude, Barbara Walters confesse aussi quelques stars au cours de son émission spéciale annuelle, diffusée à 19h (ABC et Global). Ses invités sont vraiment intéressants cette fois: Anne Hathaway (en nomination pour la meilleure actrice), le présentateur Hugh Jackman, Mickey Rourke (en nomination pour le meilleur acteur), sans oublier les Jonas Brothers (aucune nomination en vue)!