Révélée au sein du groupe de satiristes Les Robins des bois, Marina Foïs est en train de se tailler une place à part dans le cinéma français. Conversation avec l'une des actrices les plus sollicitées du moment.

La première fois où on l'a vue dans un rôle important au cinéma, Marina Foïs tentait de se refaire une contenance en chantant nonchalamment «Quand t'as de la peine, pense aux Kurdes, aux Tchétchènes. Quand rien ne va, je pense à Diana» ! Avant de la découvrir au cinéma dans Filles perdues, cheveux gras, un film très particulier de Claude Duty dans lequel elle tenait son premier grand rôle, le public français connaissait déjà bien l'actrice puisqu'elle faisait partie de l'équipe de Nulle part ailleurs, une émission d'humour produite par la chaîne privée Canal «, dans laquelle sévissait le groupe Les Robins des bois.

«J'ai un parcours un peu bordélique, a expliqué Marina Foïs au cours d'une interview accordée à La Presse il y a quelques semaines à Paris. Le métier d'actrice a toujours été une vocation pour moi - enfant, je jouais déjà des classiques -, mais c'est par le biais de l'humour, avec des compagnons que j'ai rencontrés à l'école de théâtre, que le succès est arrivé. Cela dit, je me suis toujours plus considérée actrice qu'humoriste, même si je suis née dans une famille où l'humour se pratique comme un réflexe!»

Depuis la dissolution du groupe, Marina Foïs mène en solo une carrière cinématographique de plus en plus foisonnante. Cette année seulement, elle aura tourné sous la direction de Danièle Thompson (Le code a changé), Maïwenn (Le bal des actrices, en salle au Québec le 3 avril), Christophe Honoré (Non ma fille, tu n'iras pas danser), sans oublier Le plaisir de chanter, l'étonnant - et délicieux - nouveau film d'Ilan Duran Cohen (La confusion des genres), maintenant à l'affiche chez nous.

Dans cette comédie d'espionnage atypique, l'actrice incarne un agent des services secrets dont le partenaire (Lorànt Deutsch) est aussi un ancien amoureux. Chargés de mettre la main sur une clé USB qu'a laissée un trafiquant d'uranium avant de mourir, ils tentent de s'approcher de la veuve (Jeanne Balibar), une ingénue qui prend des cours de chant lyrique.

«Il y a longtemps qu'Ilan et moi, nous nous tournions autour, commente Marina Foïs. Il m'avait déjà offert des rôles dans ses productions précédentes mais des conflits d'horaire ont fait que je n'ai pu les accepter. Je définirais Ilan Duran Cohen comme un Woody Allen français, mais plus trash et plus sexe!»

Une question d'exultation...

Il est vrai que la caméra de Cohen, sans être complaisante, mise beaucoup sur la sensualité, peu importe que les corps des personnages exultent par le chant ou par la sexualité.

«Sur le plateau, nous ne sommes pas vraiment conscients - en fait, je vais parler pour moi -, je ne suis pas vraiment consciente de ça parce que je suis complètement handicapée par la technique. Je n'y comprends rien. Et je crois que c'est un choix de ma part. Ça ne m'arrangerait pas du tout de savoir comment je suis filmée parce que j'aurais probablement alors des inhibitions!»

C'est dire que le tournage du Plaisir de chanter fut pratiquement d'une nature idyllique pour elle car la méthode qu'utilise le cinéaste permet aux acteurs de s'abandonner complètement.

«Il y a toujours trois ou quatre caméras qui tournent et on ne sait jamais à quel moment nous sommes filmés, ni comment, explique-t-elle. J'adore ça! Cela réduit notre niveau de conscience. Évidemment, on ne peut faire cela qu'avec quelqu'un en qui l'on a totalement confiance. Ilan, je sais qu'il ira chercher ce qu'il y a de bon à trouver. Dans un cas comme celui-là, tout est très simple!»

Au fil de l'expérience, l'actrice tend de plus en plus au dépouillement, à l'abandon.

«Je tends à m'alléger, c'est vrai. J'essaie de mettre en pratique cette phrase magnifique qu'a un jour dite Gérard Depardieu: «Sur un plateau, ce n'est plus le talent qui compte, mais la disponibilité». C'est vrai que quand on arrive sans idées préconçues, on peut tout faire, tout essayer.»

En ces temps socialement plus difficiles, Marina Foïs revendique le droit à la légèreté. Et proclame le cinéma - et la culture en général - d'utilité publique.

«Le luxe et la culture sont inutiles, donc, très utiles, estime-t-elle. On a besoin de choses inutiles dans la vie, sinon c'est atroce. Si notre vie ne se compose que de choses nécessaires et qu'on mange uniquement pour ne pas crever, c'est vraiment trop chiant!»

Le plaisir de chanter est présentement à l'affiche. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.