C'est un des films les plus attendus du printemps. Un film dont on parle depuis 2001. Un film qui a mis plus de cinq ans avant de voir le jour. Et qui suscite, depuis sa mise en chantier, un mélange d'expectative et d'appréhension.

Ce film, c'est Dédé à travers les brumes. Sa sortie en salle est prévue pour le 13 mars. Mais la campagne de promotion elle, s'est mise en branle dès hier, par une projection médias suivie d'une conférence de presse à laquelle participaient le réalisateur Jean-Philippe Duval, le producteur Roger Frappier et une demi-douzaine de comédiens, incluant Sébastien Ricard, qui joue le rôle de l'ancien chanteur des Colocs.

Tout ce beau monde sait que le film est attendu avec une brique et un fanal. Le mythe de Dédé Fortin, qui s'est donné la mort en l'an 2000, a eu le temps de se cristalliser. Et voilà qu'on ose en faire un «biopic» (film biographique avec acteurs). Le risque de décevoir n'est pas seulement réel, il est énorme. Rappelez-vous les téléséries sur Félix et Harmonium...

«C'était un exercice audacieux et périlleux», admet Sébastien Ricard, conscient du lien très fort qui unissait Dédé et son public. Et du piège qui l'attendait en acceptant ce rôle. «Mais au moins, il s'est fait avec des gens responsables.»

Évidemment, un documentaire aurait diminué nos craintes. C'était même le plan initial. Il y avait, dans les tiroirs, assez d'archives visuelles pour faire au moins 10 films sur les Colocs. Mais Jean-Philippe Duval a bifurqué en cours de route. Non seulement pour contourner les limites du documentaire, mais aussi, dit-il, pour rendre hommage à une autre facette de Dédé Fortin. «Ça prenait un film de cinéma pour un amoureux du cinéma», résume le réalisateur, qui a lui-même connu Dédé dans les années 80, dans des cours de cinéma de l'Université de Montréal.

Un film multiple

Dédé à travers les brumes est-il un hommage au chanteur des Colocs? Pas tout à fait. Mais il était important, selon le producteur Roger Frappier, de «faire ce film pour garder la mémoire de l'oeuvre et de la vie de Dédé».

Est-ce une comédie musicale? Pas exactement. Mais c'est un film sur quelqu'un qui vivait et s'exprimait intensément à travers la musique.

Pour Duval, qui signe aussi les dialogues et le scénario, il était essentiel que l'écriture s'articule autour des chansons des Colocs. «Le but, dit-il, était de les intégrer à un récit dramatique» afin de mieux comprendre le parcours de Dédé, son hypersensibilité, ses amitiés fulgurantes, son mal de vivre et ses histoires de coeur.

Est-ce un film sur le suicide? Pas vraiment. Le réalisateur n'a rien tenté de justifier ou d'expliquer. Mais on y suit la spirale d'un homme qui s'enlise, incapable de s'accrocher aux perches qu'on lui tend.

Est-ce un film politique? En partie. On sait que le «rêve du pays» occupait une grande place dans le coeur du chanteur. Et Dédé à travers les brumes ne se gêne pas pour le crier haut et fort.

Déjà bien connu pour ses prises de position avec le groupe Loco Locass, Sébastien Ricard le voit carrément comme un manifeste. «Faire de l'art au Québec sera toujours de la politique, tant que cette question ne sera pas réglée», souligne le comédien.

Jean-Philippe Duval essaie d'être plus nuancé «Je pense surtout que ce film a besoin d'être vu par les plus jeunes générations, parce que Dédé était porteur d'un espoir. Et que c'est cette fougue qui résonne encore. Mais bon. Tant mieux si ça fait résonner la fibre nationale. Moi je suis tout à fait en harmonie avec ça.»

Une catharsis

Difficile, en fait, de savoir ce qui fera «résonner» dans Dédé à travers les brumes. À chacun, sans doute, de trouver le Dédé qui lui va. Tout ce qu'on peut vous dire, c'est que le film a été vu dimanche par la famille et les amis proches de Dédé. Et qu'il a passé le test.

Si l'on en croit le réalisateur, tout le monde est resté dans la salle après la projection, à pleurer pendant une demi-heure. Jusqu'à ce que la mère de Dédé essuie ses larmes et commence à faire des blagues. Belle façon de clore un deuil de neuf ans. «Il y a eu comme une grande catharsis, conclut Jean-Philippe Duval. À la fin, le frère de Dédé est venu me voir et m'a dit: c'est tough mais c'est beau. Merci.»