Marie-Hélène Cousineau est arrivée au Nunavut en 1991 avec l'intention d'y rester un ou deux ans. L'endroit et ses gens lui ont collé à la peau jusqu'à l'âme. Elle y a planté des racines qui, aujourd'hui, portent plusieurs fruits. Le plus récent s'intitule Le jour avant le lendemain.

Marie-Hélène Cousineau étudiait au cégep Bois-de-Boulogne quand le coup de foudre s'est produit. Elle avait 16 ans, n'avait jamais tenu de caméra entre ses mains, mais a suivi un cours de cinéma. Pour une raison du genre «Pourquoi pas?» Sa vie en a été changée. «Nous partions le week-end avec des caméras super-8, nous tournions des films, les développions et les visionnions», se souvient celle dont le premier long métrage de fiction, Le jour avant le lendemain, a pris l'affiche hier.

Créer, puis goûter. L'action, puis le fruit de l'action. Tout de suite après. Ça lui a plu, cette réaction quasi en chaîne. Ça l'a suivi pendant le reste de ses études. Et après. Ainsi, quand elle est arrivée au Nunavut, en 1991, après avoir obtenu une maîtrise en histoire de l'art à Montréal et une autre en communications en Iowa, c'était - entre autres choses - pour approfondir les possibilités artistiques - et humaines, allait-elle découvrir - de la vidéo.

«J'aime mettre en place des processus et les suivre. C'est ce que la vidéo permet de faire. Installer un processus de production, de réflexion et de pratique artistiques, le filmer, le regarder, le retravailler. Ce côté instantané me plaît», dit celle qui a réalisé des séries de portraits «urbains» et, en 1988, le documentaire Women in Black où elle a suivi en Israël une survivante des camps de concentration.

C'est deux ans plus tard qu'elle a posé le pied à Igloolik, au Nunavut. Elle ignorait alors qu'elle y planterait ses racines: «Je pensais y rester un an ou deux, mais j'ai rencontré là le producteur et réalisateur Zacharias Kunuk (Atanarjuat), qui m'a proposé de mettre sur pied un centre d'accès vidéo.» Là, dans cette ville située au nord du cercle arctique dont les 900 habitants vivaient encore, à l'époque, de façon traditionnelle.

Établir le contact

Elle s'est vite rendu compte que les hommes, élevés pour devenir chasseurs, travaillaient d'un côté et les femmes, vouées aux activités quotidiennes, de l'autre. Et, intéressées par ces dernières, Marie-Hélène Cousineau s'est mise à les fréquenter, à participer à leurs groupes, à leurs réunions. Sans parler leur langue. Mais parvenant quand même à établir le contact.

«Je leur ai demandé si je pouvais apporter une caméra et filmer, elles ont accepté parce qu'elles étaient curieuses de voir ce que je faisais. Avant longtemps, nous avons créé un atelier vidéo.» Devenu Arnait Vidéo Productions. Une bourse pour acheter une caméra, c'est tout. Pas de lieu de montage, pas de bureau. Moins que le minimum. Mais une volonté hors du commun. Un désir de partager l'histoire et les histoires.

D'un projet à l'autre, les moyens ont (un peu) augmenté. Et Marie-Hélène Cousineau s'est ancrée en ces lieux pendant 10 ans, faisant ensuite des allers-retours réguliers entre Montréal - où elle a enseigné en communications à l'Université Concordia - et Igloolik. C'est en 2004 qu'est venue la proposition de la maison de production de Atanarjuat, Igloolik-Isuma Productions: voulait-elle réaliser un long métrage de fiction? La réponse, positive, n'a pas tardé. D'autant plus qu'elle émergeait de la lecture de For Morgendagen, de l'auteur danois Jorn Riel. Des histoires d'amour et de mort, de chasse et de survie dans le Grand Nord. «J'ai été éblouie jusqu'à pleurer. Ça a été une révélation, sa manière de traduire les émotions et les états d'âme... même pour moi qui vivais là depuis des années.»

Un des filons de ce roman a servi de base au Jour avant le lendemain que Marie-Hélène a scénarisé avec Madeline Piujuq Ivalu et la directrice artistique Susan Avingaq et qu'elle a réalisé avec la première (qui tient aussi le rôle principal dans le film). Ce qu'il a fallu pour mener le projet à bien? Elle sourit. «De la patience, de l'attention... et beaucoup de traduction sur le plateau.»

Mais il y avait un message à passer. Et ces femmes, toutes ces femmes, voulaient qu'il passe. Or, ce que femme veut...

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Le jour avant le lendemain est actuellement à l'affiche (en inuktitut avec sous-titres français ou anglais).