La vie d'un musicien virtuose qui se retrouve sans-abri dans les bas-fonds de Los Angeles a d'abord été l'objet d'une série d'articles, puis d'un livre, et se retrouve transposée aujourd'hui au grand écran dans un film qui met en vedette de grosses pointures. Sous la direction du très estimé cinéaste britannique Joe Wright, Jamie Foxx et Robert Downey Jr. jouent les délicates partitions de The Soloist.

Il y a quatre ans à peine, Steve Lopez, chroniqueur au Los Angeles Times, a croisé par hasard dans la rue un musicien virtuose qui parvenait à tirer de son violon des airs d'une grande beauté, même si son instrument ne comptait alors plus que deux cordes.

«Cet homme, Nathaniel Ayers, a changé ma vie», dit sans ambages le journaliste, dont la série d'articles est aujourd'hui transposée dans The Soloist (Le soliste en version française), un film de Joe Wright dans lequel Jamie Foxx se glisse dans la peau du musicien schizophrène et sans-abri, et Robert Downey Jr. dans celle du chroniqueur. «Surtout, cette rencontre m'a permis d'en apprendre beaucoup sur l'amitié, la musique, et sur la société dans laquelle on vit. On déplore plusieurs échecs sur le plan des mesures sociales dans ce pays. Avant de savoir comment on peut aider des gens dans le besoin, il faut prendre l'engagement de le faire!»

La résonance sociale de cette histoire d'amitié entre un musicien brisé et un journaliste désabusé figure d'ailleurs au coeur du film. Le cinéaste britannique Joe Wright, reconnu jusque-là pour des productions à caractère historique (Pride&Prejudice, Atonement), a en effet tenu à donner de forts accents de vérité à son premier long métrage américain.

«Comme je viens de l'étranger, j'ai d'abord tenu à m'immerger dans le milieu dans lequel Nathaniel vit, dit le réalisateur. Quand on l'écoute, on réalise à quel point la parole des sans-abri est riche. J'ai ainsi voulu mettre cette parole à au premier plan en mêlant des non-professionnels aux acteurs. Je voulais composer un portrait authentique, sans tomber dans l'apitoiement ou le sentimentalisme.»

Jamie Foxx prête ses traits à Nathaniel. Lauréat d'un Oscar grâce à sa performance dans Ray, l'acteur a été touché par la complexité du personnage qu'il avait à recréer à l'écran, d'autant plus qu'il a lui aussi une formation de musicien.

«Quand tu dois incarner un être qui fait preuve de génie mais qui est aussi atteint d'une forme de maladie mentale, tu essaies d'entrer dans son esprit, a expliqué récemment l'acteur au cours d'une rencontre de presse tenue à Los Angeles. En fait, tu veux devenir cette personne. Dans un premier temps, j'ai beaucoup observé Nathaniel, mais de loin. Et c'est là que tu constates qu'en moins de cinq minutes, il y a plein d'aspects différents de cet homme qui se manifestent. Tu te dois d'en capter toutes les nuances. Ensuite, j'ai évidemment rencontré Nathaniel. Je n'ai pu m'empêcher de filmer notre premier entretien sur mon téléphone cellulaire!»

Les deux hommes partagent naturellement une communauté d'esprit grâce à la musique. Foxx, qui a étudié le piano classique pendant quelques années durant l'enfance, a dû apprendre à jouer du violon et du violoncelle pour l'occasion. «J'ai surtout dû aller visiter des zones qui nous font peur, ajoute-t-il. Les artistes ont tous une part de schizophrénie en eux, c'est bien connu. En tout cas, moi j'en ai une!»

«Nous sommes tous à une fragilité près de sombrer, fait remarquer de son côté Robert Downey Jr. C'est pourquoi, je crois, la série d'articles de Steve Lopez a eu autant d'impact. Cette histoire comporte des résonances en chaque être humain.»

Un acte d'humilité

Bien que certaines libertés aient été prises, principalement par rapport à la vie personnelle et familiale des protagonistes («Mon personnage aurait été bien ennuyeux sans cela!» dit Steve Lopez), le scénario, écrit par Susannah Grant (Erin Brockovich), reste quand même rigoureux au chapitre des faits.

Le journaliste a d'ailleurs été à même de constater à quel point les deux acteurs prenaient leur rôle au sérieux quand il a accompagné Nathaniel à un concert offert par l'Orchestre philharmonique de Los Angeles. «Nathaniel et moi regardions le concert tandis que Jamie et Robert, assis à côté, nous observaient pendant que nous regardions le concert! Je crois qu'ils n'ont pas dirigé leur regard vers la scène une seule fois!»

«Dans un cas comme celui-là, tu n'as pas droit à l'erreur! commente Jamie Foxx. En même temps, voilà le genre de rôle qui fait de toi un meilleur être humain. Je me souviens qu'au début, nous avions un peu de réticence à suivre Joe dans ses visites auprès des sans-abri, installés dans les bas-fonds de la ville. Comme un réflexe qui découle de la peur de l'inconnu, de la peur de la souffrance et de la misère. Et pourtant, on découvre la richesse de ces gens très vite en échangeant avec eux.»

L'acteur a aussi expliqué qu'il existerait un trait culturel chez les Afro-Américains faisant en sorte que la maladie mentale constitue un sujet particulièrement tabou. «Je ne dis pas que ce trait est généralisé, mais il est clair que dans le milieu modeste où j'ai grandi, c'était le cas. Une visite chez le psychiatre était vue comme un signe de faiblesse. Heureusement, cela a changé. Quand j'ai été confronté à cette réalité dans le film, des relents de ces vieux réflexes sont toutefois remontés à la surface!»

Downey, qui a dû faire face à certains démons intérieurs au fil des ans, emprunte une attitude très humble face aux maladies de nature psychologique. «Tout le monde n'a pas les même privilèges, ni la chance d'être entouré par des gens auprès de qui on peut retrouver son équilibre. Je dirais que parfois, un acteur fait un film mais à d'autres moments, c'est le film qui façonne l'acteur. The Soloist fait indéniablement partie de la deuxième catégorie.»

__________________
The Soloist (Le soliste en version française) prend l'affiche le 24 avril.

Les frais de voyage ont été payés par Paramount Pictures.