Trente-cinq ans après en avoir écrit le scénario, Francis Veber a réalisé à son tour «sa» version de L'Emmerdeur, qui sort en salles au Québec ce vendredi, après avoir connu l'échec en France l'été dernier. 

En 1973, la comédie réunissait Lino Ventura et Jacques Brel, et avait été tournée par Edouard Molinaro. Aujourd'hui, le duo est composé de Richard Berry et Patrick Timsit.

De toutes les histoires (18 au total: Le Grand Blond avec une chaussure noire, Le Magnifique, Peur sur la ville, La Cage aux folles, Coup de tête, etc.) qu'il a écrites pour d'autres (Yves Robert, Philippe de Broca, Georges Lautner, Henri Verneuil, Jean-Jacques Annaud), celle de L'Emmerdeur «est la seule que j'ai eu envie de reprendre», explique Francis Veber. Il l'avait déjà fait en en faisant une pièce, en 2005, déjà avec Berry et Timsit, voici maintenant le film.

Film, pièce, remake: l'histoire est donc la même, celle d'un tueur professionnel, Ralph Milan (Richard Berry), qui loue une chambre d'hôtel en face du palais de justice pour, de sa fenêtre, abattre d'un coup de fusil à lunettes le témoin gênant d'un procès.

Le grain de sable dans cette machine à tuer bien huilée s'appelle François Pignon (c'est une habitude chez Francis Veber), personnage qu'interprète Patrick Timsit. Minable photographe de presse, il a loué la chambre contiguë et, dépressif parce que sa femme l'a quitté, veut se suicider.

Entre les deux chambres: une porte de communication. C'est tout le ressort de l'histoire. 

Car au fur et à mesure que les minutes s'écoulent, dans l'attente du fourgon de police qui doit emmener le témoin (Michel Aumont), le photographe suicidaire va imposer sa présence et ses problèmes au tueur professionnel qui n'a qu'une envie : rester seul pour faire son job. En une heure et demie, les péripéties diverses ne vont pas manquer, y compris l'irruption de la femme de Pignon (Virginie Ledoyen) et de son amant directeur de clinique (Pascal Elbé)...

C'est un huis clos qui donne l'impression de théâtre filmé, tout l'intérêt du film tenant dans le comique des situations et des dialogues. Et surtout dans le rythme avec lequel tout cela s'enchaîne, sans temps mort ni moment de répit pour souffler. En cela le film est plutôt réussi et Francis Veber prouve que son talent de scénariste se double d'une belle habileté de réalisateur, qu'on connaît depuis longtemps avec des petits chefs d'oeuvre de comédie comme Le Jouet, La Chèvre, Les Compères, Les Fugitifs, Le Jaguar, Le Dîner de cons ou La Doublure.

Côté acteurs, impossible dans ce nouvel Emmerdeur de faire oublier le duo Ventura-Brel de 1973, et donc inutile de s'oser aux comparaisons. En tueur, Richard Berry est crédible et dégage même, en fin de film, un pouvoir comique imprévu et étonnant. À tel point qu'il surpasse dans ce domaine (ce n'était pas le cas du film de Molinaro) l'autre personnage, ici trop lourdement interprété par Patrick Timsit et qui en devient presque aussi agaçant pour le spectateur que pour le tueur lui-même...