Annie Hall était de passage à la Place des Arts hier soir. Enfin, pas tant le personnage crée par Woody Allen que attachante l'actrice qui l'a interprétée avec brio: Diane Keaton qui, à 63 ans avec toutes ses dents, quelques rides et un look d'enfer, demeure l'idole de plusieurs générations de femmes.

Après Chantal Petitclerc et Margaret Trudeau et juste avant Jane Fonda et Lily Tomlin, Diane Keaton était la conférencière de la série «Vies uniques» hier soir à la Salle Wilfrid-Pelletier.

Devant une salle bondée et composée presque uniquement de femmes de tous les âges, l'actrice au style inimitable s'est amenée vêtue d'un col roulé noir, de leggings de la même couleur et d'une immense jupe bouffante à pois noir et blanc, telle une magnifique poupée Franfreluche postmoderne. Pendant une heure, elle nous a ni plus ni moins raconté sa vie avec un délicieux sens de l'humour et de la dérision, le tout entrecoupé de scènes de films projetées sur écran, mais aussi de films maison tournés par elle-même et captant sa vieille mère, Dorothy Deanne Keaton Hall, atteinte de l'alzheimer, ou alors des scènes avec Dexter et Duke, les deux enfants qu'elle a adoptés au tournant de la cinquantaine.

Unique, la vie de Diane Keaton? Disons plutôt atypique, surtout pour une actrice de Hollywood qui, entre un Oscar et une cinquantaine de films, a été liée amoureusement à une foule d'acteurs allant d'Al Pacino jusqu'à Warren Beatty en passant par Woody Allen et Steve Martin, mais qui ne s'est jamais mariée et qui, au tournant de la cinquantaine, a décidé de régler sa peur de l'engagement et de l'intimité en adoptant un premier enfant, puis un deuxième cinq ans plus tard.

«J'ai eu de la chance, oui, vraiment, je me demande comment ça se fait que j'ai eu autant de chance», a-t-elle lancé d'entrée de jeu avec une pointe de dérision qui a fondu dès qu'elle s'est mise à parler de sa mère, morte l'année dernière après avoir combattu l'alzheimer pendant 15 ans. Diane Keaton a raconté qu'elle devait tout à cette mère, qui n'était pas tant une femme au foyer qu'une artiste malgré elle et une femme qui comprenait le désir brûlant de sa fille pour la scène et qui a tout fait pour l'encourager à réaliser ses rêves. Elle aussi évoqué son père, qui a succombé il y a 20 ans à un cancer du cerveau. «À 50 ans, en réaction à la maladie de mon père et à ce jour où il m'a avoué dans l'auto qu'il n'avait jamais aimé son métier et qu'il regrettait de n'avoir jamais pris de risques dans sa vie, j'ai pensé aux risques que je m'étais moi-même interdits et j'ai décidé de plonger et d'adopter ma petite Dexter, puis, 5 ans plus tard, mon petit Duke, les deux miracles de ma vie qui ont tout fait basculer et qui m'ont aidée à changer. Enfin.»

À la fois drôle et touchante, parfois théâtrale, parfois spontanée mais toujours authentique, Diane Keaton a quitté le monde de l'intimité familiale pour aborder un sujet qui lui tient à coeur: le vieillissement doublement douloureux pour une actrice, qu'elle combat âprement non pas par la chirurgie plastique (du moins pas encore, jure-t-elle), mais par un appétit insatiable pour la vie, une grande curiosité intellectuelle et une passion pour la restauration de vieilles maisons et de vieux édifices.

Arrivée dimanche dans la métropole, Keaton en a d'ailleurs profité pour se perdre dans le Vieux-Montréal. Elle a visité la basilique Notre-Dame qu'elle a trouvée magnifique, avant de craquer pour les vieilles banques montréalaises. Elle a d'ailleurs avoué que même si c'était la première fois qu'elle venait à Montréal, elle rêvait d'y revenir restaurer un vieil édifice. Au bout d'une heure et des poussières, après nous avoir offert des morceaux choisis de sa vie et répondu à quelques questions, Diane Keaton, ses 63 ans et sa magnifique jupe à pois ont quitté la scène en laissant dans leur sillage un rare et précieux parfum d'optimisme.