La société gérant l'affichage dans le métro et les autobus de la capitale française prend très au sérieux la loi interdisant toute publicité susceptible d'encourager la consommation de tabac. Peut-être même trop.

C'est du moins l'avis de la Ligue des droits de l'homme (LDH) et d'un nombre important d'organisations qui vont jusqu'à évoquer les pratiques propagandistes de l'ex-empire soviétique pour exprimer leur colère envers Metrobus.

Les dirigeants de la société ont suscité une première levée de boucliers il y a quelques semaines en décidant de refuser une affiche produite par la Cinémathèque française pour annoncer une rétrospective sur Jacques Tati.

L'image iconique tirée du film Mon oncle, montrant le réalisateur et acteur sur son vélo, une pipe à la bouche, a été frappée d'une interdiction sous prétexte qu'elle pouvait être considérée comme une incitation indirecte à la consommation de tabac.

La direction de la Cinémathèque, de concert avec les détenteurs des droits de l'oeuvre de Tati, ont alors proposé de remplacer la célèbre pipe sur l'affiche par un petit moulin à vent coloré.

Le stratagème, ont-ils expliqué ensuite par communiqué, était «la meilleure idée possible» pour «faire en sorte que la lettre de la loi soit respectée, mais surtout que tout le monde prenne conscience de la substitution et de son absurdité».

Même le concepteur de la loi évoquée pour justifier l'interdit, l'ex-ministre socialiste Claude Évin, a dénoncé la décision de Metrobus comme étant «ridicule».

La Cinémathèque, a-t-il déclaré à la radio, «n'a aucun lien avec l'industrie du tabac» et l'image du film de Tati, tirée du «patrimoine culturel» français, ne peut être considérée comme une source de propagande.

La LDH, qui chapeaute l'Observatoire de la liberté d'expression, a déploré que la «censure sanitaire» pratiquée par Metrobus conduise à un «révisionnisme insupportable touchant l'art et la culture».

Le procédé, a déploré l'organisation, dénature le sens de la photographie sans égard «pour le droit de l'auteur pour l'intégrité de son oeuvre».

«Ne verra-t-on pas les zélés du politiquement correct exiger que l'hélice soit incrustée image par image dans le film lui-même? La liberté de création suppose que l'on respecte les oeuvres... Dans une société démocratique, on ne se comporte pas comme au temps où Staline faisait supprimer d'une photographie un opposant qu'il avait écarté», fustigent ses dirigeants.

Tautou et cigarette

Ces hauts cris n'ont pas altéré la position de Metrobus, qui affirme n'avoir tout simplement pas eu le choix. «Toute image historique qui est reproduite à des fins publicitaires tombe sous le coup de la loi», indique une porte-parole de Metrobus, Katia Ivanoff-Aumaître.

L'organisme français de régulation de la publicité a d'ailleurs tranché en faveur de l'interprétation faite par la société, qui vient d'appliquer le même raisonnement à une autre campagne publicitaire, concernant cette fois un film sur la styliste française, Coco Chanel.

Metrobus a refusé l'affiche montrant la comédienne Audrey Tautou une cigarette à la main, là encore au motif qu'elle pouvait être assimilée à une forme de publicité indirecte.

Le diffuseur du film, Warner, moquant le «zèle remarquable» derrière cette décision, a choisi de laisser tomber la partie de sa campagne publicitaire touchant les transports publics plutôt que de revoir l'affiche.

Ce qui n'a pas empêché sa diffusion à grande échelle puisque la société Decaux, qui gère plusieurs panneaux extérieurs, a conclu qu'elle n'enfreignait pas la loi.