Le cinéaste chinois Lou Ye dont le film Nuits d'ivresse printanière est présenté jeudi en compétition officielle au Festival de Cannes, malgré l'interdiction de tournage dont il fait l'objet dans son pays, espère «être le dernier réalisateur chinois interdit».

Q: Vous êtes interdit de tournage en Chine jusqu'en 2011. Avez-vous tenté d'oublier la menace qui pesait sur vous en filmant Nuit d'ivresse printanière?

R: C'est exactement ça. Entre nous (avec les acteurs, ndlr), on n'a jamais abordé le thème de l'interdiction. Je ne voulais absolument pas que l'interdiction influence en quoi que ce soit ma création. Cette interdiction, je ne l'ai pas acceptée. Je n'ai pas voulu me rebeller contre elle mais je continue mon travail et ce travail c'est de faire des films. On essaie avec ma productrice de faire sauter cette interdiction parce que ça n'a pas de sens. J'espère que l'article de loi qui concerne l'interdiction des réalisateurs chinois va être supprimé aussi. J'espère que je serai le dernier réalisateur chinois à être interdit, que personne d'autre n'aura à subir ça. Mes films ne peuvent pas non plus être diffusés. Je ne sais pas trop comment ils seront vus en Chine.

 

Q: En même temps, vous avez pu tourner à Nankin et vous êtes aujourd'hui à Cannes. Y-a-t-il malgré tout un espace de liberté un peu plus grand en Chine que ce que l'on peut imaginer en Occident?

R: Oui. Le fait que je sois ici, le fait que toute mon équipe est venue avec moi, c'est quand même une bonne nouvelle. Durant tout le tournage, on s'était préparés psychologiquement à être poursuivis mais cela ne s'est pas produit.

 

Q: Vous avez choisi de vous intéresser à des trajectoires individuelles et à l'homosexualité. Pourquoi?

R: Je pense que l'individu est plus important que le groupe. La dernière fois qu'on a parlé en Chine de l'individu, c'était dans les années 1920 et c'est pour cela que j'y fais référence dans le film. Les personnages sont à la recherche de comment ils doivent vivre.

J'ai aussi choisi le thème de l'amour. L'amour peut arriver n'importe où, n'importe quand, là c'est arrivé entre deux hommes. C'est vrai qu'il y a eu récemment beaucoup de changements en Chine sur l'homosexualité. Les homosexuels sont beaucoup plus libres. Il reste malgré tout deux problèmes: le regard des gens et l'influence importante de la tradition. En Chine, on doit se marier, pour faire des enfants, pour perpétuer la famille et la tradition.