Le réalisateur Ang Lee est peut-être né à Taiwan, mais il est devenu un expert dans l'art de radiographier l'âme américaine. Après The Ice Storm et Brokeback Mountain, il en fait la preuve une fois de plus avec Taking Woodstock, où il s'amuse à revenir sur le célèbre rassemblement hippie d'août 1969.

Tout le monde connaît la boutade : si vous vous souvenez de Woodstock, c'est que vous n'y étiez sûrement pas... Lee ne comptait pas parmi les 500 000 peace and love venus en pèlerinage à Woodstock (White Lake et Bethel en réalité), mais Elliott Tiber et Tom Monte, si. Sans doute sont-ils demeurés l'esprit clair, puisqu'ils ont écrit un livre (Taking Woodstock: A True Story of a Riot, a Concert, and a Life) dont s'inspire le cinéaste.

Au carrefour de la grande et de la petite histoire, Taking Woodstock revient sur ce moment mémorable, alors qu'un jeune homme poli et réservé, Elliott (Demetri Martin), revenu vivre chez ses parents juifs, dans un hôtel minable du nord de l'État de New York, aidera les organisateurs à monter leur mégaspectacle.

Du coup, au grand dam des résidants conservateurs, la région sera prise d'assaut par des cohortes de jeunes avides d'amour libre, de LSD, de musique et de paix. Pour Elliott, ces quatre jours d'août 1969 deviendront un moment charnière de sa vie, alors qu'il apprendra à accepter son homosexualité et à voler de ses propres ailes, loin d'une mère castratrice.

Fin observateur, Ang Lee continue son exploration des liens familiaux confrontés à une société en pleine mutation, un peu comme il l'avait fait dans The Ice Storm (Prix du scénario à Cannes en 1997), qui se déroulait au début des années 70. On regrette toutefois que le résultat ne soit pas aussi relevé. Taking Woodstock renferme bien quelques moments attendrissants (surtout dans le dernier tiers) et drôles (Imelda Staunton, en mère juive obsédée par l'argent, est particulièrement savoureuse), mais rien qui donne envie de crier au génie. Un sympathique portrait d'époque, sans plus.

La sortie nord-américaine du film aura lieu en août, la fin de semaine du 40e anniversaire de Woodstock.

Un Jane Campion très classique

La réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion est la seule gagnante d'une Palme d'or à Cannes. C'était il y a 16 ans pour La leçon de piano. Campion figure cette année parmi le carré d'as (avec Ken Loach, Lars von Trier et Quentin Tarantino) des cinéastes susceptibles de réussir un doublé.

À moins d'une surprise, Campion devra oublier ça. Son très classique Bright Star n'offre aucune surprise ni émotion, malgré un superbe travail de mise en scène et de photographie.

Le titre du film s'inspire d'un poème d'amour écrit par l'écrivain anglais John Keats (Ben Wishaw) à sa muse et amoureuse Fanny Brawne (Abbie Cornish). Toute la poésie du jeune poète, mort de la tuberculose à 25 ans, imprègne le film.

Fidèle aux faits historiques, Campion filme cette passion à la Roméo et Juliette avec grâce et volupté, mais sans parvenir à insuffler cette émotion qui l'aurait portée plus haut. Restent les magnifiques poèmes de Keats, encore considérés comme les plus belles lettres d'amour jamais écrites.