«Ivan le Terrible est toujours présent dans le subconscient du peuple russe» qui «recherche un homme fort», affirme dans un entretien à l'AFP, le cinéaste Pavel Lounguine, qui dévoile Le Tsar au 62e Festival de Cannes dimanche.

 «Ivan est un personnage mythique qui a marqué la politique et l'histoire russes. Il a été le premier tsar à régner, il a mis son cachet sur tout, on en bave encore à cause de lui», affirme le cinéaste âgé de 59 ans.

«Il a laissé un pays ruiné, il a légué le chaos. Pourtant les gens en rêvent encore !», poursuit Lounguine, selon lequel «Ivan le terrible est toujours présent dans le subconscient du peuple russe».

En sélection officielle dans la programmation Un Certain Regard, Le Tsar  fera l'ouverture du Festival de cinéma de Moscou le 19 juin et sortira en France le 13 janvier.

Alternant saisissantes scènes de bataille et peinture de l'intimité d'un pouvoir devenu fou, cette production dotée d'un budget de 10 millions d'euros évoque le règne sanglant d'Ivan IV (1530-1584) et surtout sa confrontation avec le métropolite Philippe.

Après avoir osé dénoncer publiquement la cruauté du despote, ce grand érudit et ami d'Ivan fut déposé par un concile local avant d'être exilé dans un monastère, où il mourut étranglé dans sa cellule en 1569.

Se croyant investi d'une mission divine, en guerre contre les Tatars de Kazan et confronté à l'opposition farouche des nobles, les boyards, Ivan le Terrible les exécutera sans pitié.

 «Le peuple russe recherche toujours un homme fort, il dit «Gouvernez-nous!», «Châtiez-nous !»», déclare Lounguine, qui récuse toutefois le parallèle avec le pouvoir du Premier ministre russe Vladimir Poutine.

«Je ne pense pas que le pouvoir actuel lui ressemble. On aime la réussite, l'argent, le succès, c'est un temps différent mais il y a une forme de passivité du peuple qui est restée depuis le temps d'Ivan le terrible», dit-il.

 «Peut-être qu'en Europe ces questions sont déjà résolues depuis longtemps, mais nous, nous continuons à nous demander si la démocratie est une bonne chose, si la liberté n'est pas dangereuse, etc.»

Depuis la pérestroïka, le cinéaste a signé une demi-douzaine de films sur les mutations et les dérives de la Russie contemporaine, dont «Ligne de vie» (1996) sur la mafia ou «Un nouveau Russe» (2003) sur les nouveaux riches.

 «J'ai l'impression que ce pays ne se comprend pas bien, les gens ont un peu perdu la boussole... Je pense que ce dont la Russie a besoin, c'est de mythologie. Il faut créer les mythes qui vont bouleverser les gens».

 «Je sens les besoins profonds du monde où je vis, et je pense que les questions fondamentales sont à reprendre», conclut-il.

Une inquiétante flamme dans l'oeil, l'ex-chanteur de rock Piotr Mamonov, fondateur du groupe Zvuki Mu, campe un saisissant Ivan le Terrible, possédé par une folie mystique qui s'exprime dans d'incontrôlables accès de rage.

C'est sa troisième collaboration avec Lounguine, après «Taxi Blues» en 1990 et «L'île» en 2008, où Mamonov campait un gardien de monastère mystique, à mi-chemin entre le sage et le fou de Dieu.