Pedro Almodovar aime Cannes, mais Cannes ne lui a jamais fait sa plus grande déclaration d'amour, la Palme d'or. Il y a 10 ans, on avait préféré Rosetta, des frères Dardenne, à son excellent Tout sur ma mère (Prix de la mise en scène). En 2006, autre prix de consolation, celui du meilleur scénario et un prix collectif d'interprétation féminine pour Volver.

Almodovar lèvera-t-il bien haut une Palme d'or dimanche soir avec Étreintes brisées? Même si le film a été chaleureusement applaudi à sa première projection (rares sont ses films qui ne le sont pas), ce drame aux accents de tragédie grecque n'est peut-être pas suffisamment solide pour prétendre à la récompense suprême. En revanche, on le verrait bien avec le prix du meilleur scénario ou de la mise en scène.

Chose certaine, le réalisateur espagnol ne compte pas faire un Theo Angelopoulos de lui-même et afficher sa déception si on lui préfère quelqu'un d'autre. «Je vais quitter Cannes vendredi, ainsi je ne donnerai pas l'impression d'attendre un prix. Par contre, je suis prêt à revenir dimanche, que ce soit pour le prix du meilleur acteur ou du metteur en scène», a-t-il avoué à la conférence de presse qui a suivi la première cannoise de son film. Pour l'occasion, le cinéaste espagnol était accompagné de sa muse et actrice fétiche de quatre de ses films, Penélope Cruz.

Étreintes brisées raconte la relation amoureuse entre une jeune actrice (Cruz) et son metteur en scène (Lluis Homar), devenu aveugle à la suite d'un accident qui sera progressivement dévoilé à travers le making of d'un film, Filles et valises, gros clin d'oeil à Femmes au bord de la crise de nerfs, l'un des premiers longs métrages d'Almodovar.

 

Histoire d'amour sur fond de passion, de fatalité, de jalousie et de trahison - le personnage de Cruz est la petite amie d'un magnat jaloux, également producteur de ce film fictif -, ce récit à tiroirs est fort séduisant, mis en scène avec élégance, avec un soupçon hitchcockien qui tient le spectateur sur le qui-vive. Une autre belle réussite d'Almodovar.

«Si j'ai choisi Femmes au bord de la crise de nerfs, c'est surtout parce que c'était plus facile pour les droits d'auteur, explique le réalisateur. J'ai pu l'adapter en toute liberté. J'ai eu l'impression d'être accompagné par tous les fantômes des femmes qui ont joué dans ce film. C'est agréable de revenir aux sources, à cette époque où il y avait de l'humour dans mes films.»

Remise d'un rhume qui l'avait forcée la veille à annuler plusieurs entrevues, Penélope Cruz n'a pas caché son immense plaisir de renouer avec Almodovar. Le scénario d'Étreintes brisées l'a conquise «de la première à la dernière ligne».

«J'ai de la chance qu'il me fasse confiance à nouveau. C'est le plus complet des cinéastes, le plus audacieux, le plus courageux.»

Plus d'hommes dans ses films

On connaît l'amour qu'Almodovar porte aux actrices. Les femmes habitent ses films depuis toujours. Mais le vent est peut-être à la veille de tourner, a-t-on appris.

«Jusqu'à l'âge de huit ans, les femmes ont habité ma vie. Ma mère me traînait partout avec elle. J'étais confronté à cette génération de femmes fortes de l'après-guerre dont l'expérience a habité la plupart de mes films. Le problème, c'est que les personnages masculins m'intimident car c'est moi que je dois alors prendre comme référence. En plus, tous ceux qui me viennent à l'esprit sont des personnages terribles. Mais je compte bien en avoir de plus en plus à l'avenir dans mes films.»

Bientôt sur la Croisette : Tout sur mon père ou Hommes au bord de la crise de nerfs?