Montré vendredi au Festival de Cannes, The Time that Remains d'Elia Suleiman raconte sur un mode intime et burlesque la vie des Palestiniens depuis la naissance de l'État d'Israël, tandis que le Français Gaspar Noé montre Soudain le vide.

Sur les 20 titres en lice pour la Palme d'or que remettra dimanche le jury présidé par l'actrice Isabelle Huppert, seuls Visage du Malais Tsaï Ming Liang et Carte des sons de Tokyo de l'Espagnole Isabel Coixet étaient encore à venir samedi.

Pour la première fois à Cannes et en compétition, l'auteur d'Intervention divine (2006) ou de Cyber Palestine narre dans son dernier film la vie d'une famille palestinienne de Nazareth, sur plusieurs décennies.

Sous-titré Chronique d'un absent présent, le film met en scène le cinéaste lui-même, de retour dans la maison de ses parents, et déroule en un long flashback une histoire où politique et souvenirs intimes se mêlent.

En 1948, peu après le partage de la Palestine décidé par les Nations Unies et la proclamation de l'État d'Israël, Fuad (Saleh Bakri), son père, prend les armes pour combattre les soldats israéliens entrés dans sa ville, Nazareth.

Roué de coups tandis que ses amis tombaient sous les balles israéliennes ou choisissaient l'exil, il est jeté du haut d'un ravin et laissé pour mort.

On le retrouve des années plus tard, devenu citoyen israélien, marié et père d'un enfant, le petit Elia.

The Time that Remains relate le quotidien tragi-comique de ces Israéliens arabes, traités comme une minorité dans ce qui fut leur pays, contrôlés par la police et forcés de montrer leurs papiers lors de parties de pêche nocturnes.

Dans un décor d'appartement occidentalisé, stylisé, aux teintes pastels, Elia Suleiman orchestre des scènes délicatement chorégraphiées et souvent muettes, qui ont la saveur des grands films burlesques du début du siècle.

??la manière d'un caricaturiste politique, Suleiman exprime l'absurdité du quotidien des Palestiniens depuis l'occupation israélienne, résumant les enjeux géopolitiques avec une grande finesse et un sens aigu de la dérision.

Ainsi, lorsqu'une jeune femme passe avec sa poussette, entre des chars israéliens et des jeunes Palestiniens qui leur jettent des pierres, un soldat lui lance «Rentre chez toi!» et elle réplique «Toi, rentre chez toi!». Malgré des longueurs, la poésie et l'humanité du film séduisent.

«Ce film est-il une étude historique ou anthropologique sur un peuple oublié? Je rejette cette analyse», a déclaré à Cannes le cinéaste qui regrette que les «médias aient fini par perdre complètement l'histoire de la Palestine».

«Être Palestinien c'est en soi un défi (...) vous devez vous démarquer de ce discours pré-établi sur la Palestine et faire un film qui ait une dimension universelle», a conclu Elia Suleiman.

Dernier des quatre films français en compétition, Soudain le vide de Gaspar Noé se veut un «mélodrame psychédélique», selon le réalisateur qui avait fait scandale avec Irréversible en 2002.

Le film suit, à grands renforts d'effets visuels censés symboliser les hallucinations liées aux drogues, Oscar, un dealer installé à Tokyo avec sa soeur, strip-teaseuse.

Quand Oscar est tué par la police, son esprit va errer dans la ville, fidèle à la promesse faite à sa soeur dans son enfance de ne jamais l'abandonner.

Gaspar Noé a pris le parti de filmer à travers les yeux d'Oscar, dont on ne voit le visage qu'à deux reprises en 2 h 45.

Le film, aux répétitives scènes de sexe et à l'intrigue sans suspens, n'est pas présenté dans sa version définitive et n'a récolté aucun applaudissement lors de la projection de presse.