En misant sur le malaise que suscite dans l'inconscient humain l'idée même qu'un enfant puisse être assassin, le cinéaste d'origine catalane Jaume Collet-Serra propose un drame psychologique qu'il souhaite «intense».

Les artisans de Orphan sont un peu inquiets. Au cours de toutes les rondes d'entrevues qu'ils ont accordées la semaine dernière à Los Angeles, ils ont réclamé la discrétion des journalistes à propos du «secret» contenu dans l'histoire du film.

«Nous ne sommes plus à l'époque de The Crying Game ou de The Sixth Sense, déplore le cinéaste d'origine catalane Jaume Collet-Serra. À l'ère de l'internet, je sais très bien que le dénouement du récit sera dévoilé quelque part au cours des prochains jours, si ce n'est déjà fait. Je me console à l'idée que les gens ont le choix d'aller chercher l'info ou pas. Comme la plupart des spectateurs préfèrent ne pas gâcher leur plaisir en sachant d'avance la tournure des événements, je présume qu'ils freineront leurs élans. Cela dit, j'ose espérer que l'intérêt de ce film ne repose pas seulement sur la nature de ce secret.»

Dans Orphan, Vera Farmiga et Peter Sarsgaard incarnent un couple ayant déjà été mis à l'épreuve par différents drames. En quête de stabilité émotive, les deux conjoints décident de recourir à l'adoption afin de compléter une famille comptant déjà deux enfants. Séduits par une jeune fille talentueuse, et différente des autres pensionnaires résidant dans l'orphelinat où ils ont placé une demande, Kate et John ramènent Esther (Isabelle Fuhrman) à la maison. Cette dernière, âgée de 9 ans, aura tôt fait de confronter les deux adultes à leurs propres faiblesses en les manipulant de main de maître. Quant à sa relation avec son frère et sa soeur...

Une démarche différente

Même si le récit de Orphan mise sur le caractère anxiogène des situations décrites (l'affiche et la bande-annonce ne laissent planer aucun doute là-dessus), Collet-Serra affirme avoir emprunté une démarche différente de celle de son film précédent.

«House of Wax assumait pleinement sa qualité de «slasher movie», explique le réalisateur. La question n'était pas de savoir si les personnages allaient mourir, mais plutôt comment ils allaient être tués. Orphan s'inscrit plus dans le genre du thriller psychologique. On ne connaît pas d'avance les destins des personnages.»

Mis au point au sein d'Appian Way, la société que codirige Leonardo DiCaprio, Orphan a d'abord attiré l'attention des producteurs grâce à son aspect plus réaliste. Aux yeux de ses artisans, ce thriller se démarque aussi des films d'horreur destinés au public adolescent.

«Il s'agit d'une histoire très adulte, que nous destinons à un public plus mûr, fait d'ailleurs remarquer Collet-Serra. Il y a quelque chose de très viscéral, de très fondamental dans la manière qu'ont les êtres humains de protéger leurs enfants. Quand cet équilibre est compromis, toutes nos règles s'en trouvent violées. C'est la raison pour laquelle les histoires mettant en scène des enfants diaboliques sont aussi dérangeantes. L'image de l'innocence n'existe plus. Cela dit, les enfants nous mettent forcément, nous les adultes, face à notre propre mortalité. D'une certaine façon, ils sont là pour nous remplacer!»

Le thriller psychologique faisant progressivement place à l'horreur, tous les outils du cinéma ont été utilisés pour faire en sorte que le tournage revête un caractère ludique aux yeux des trois enfants comédiens du film.

«Nous avons bien pris soin de ne pas les exposer à la violence de certaines scènes, même s'ils y participent!» assure le producteur Joel Silver.

Sans dévoiler de secrets de fabrication précis, plusieurs effets visuels ont été ajoutés à l'étape de la postproduction d'un film dont le tournage s'est principalement déroulé à Toronto et à Montréal.

Des protestations

Les producteurs de ce film et le studio Warner Bros ont par ailleurs dû gérer une petite controverse entourant Orphan. Certains représentants du milieu de l'adoption ont en effet appelé à un boycottage, estimant que le film présente une image négative des orphelins.

Une coalition de groupes liés à l'adoption et aux familles d'accueil s'est dissociée de cet appel, mais a quand même obtenu du studio le retrait d'une phrase «litigieuse» entendue dans la bande-annonce. «Ça doit être difficile d'aimer un enfant adopté autant que s'il était le vôtre», disait Esther dans cet extrait. Il ne serait pas impossible non plus qu'un message «pro-adoption» soit ajouté à la fin du film au moment de la sortie en DVD.

«C'est un film d'horreur, complètement fictif! rappelle pourtant le producteur Joel Silver. S'il n'y avait plus d'esprits malins, peu importe leur nature et la forme qu'ils empruntent, il n'y aurait plus de films de genre. Cela dit, je trouve que la situation a été bien gérée dans les circonstances.»

Isabelle Fuhrman, la jeune interprète d'Esther, pose d'ailleurs un regard très lucide sur le film. «Esther est tellement différente de ce que je suis dans la vie que je n'ai aucune crainte d'être étiquetée par le rôle. En fait, si je parviens à mettre toute l'Amérique contre moi, c'est que j'aurai bien fait mon travail!»

Orphan (L'orpheline en version française) est présentement à l'affiche. Les frais de voyage ont été payés par Warner Bros.