Dans le nouveau film de Ken Scott, Charles, Donald, Conrad, Eddy et Isidore sont comme les cinq doigts de la main, mais des doigts qui ont poussé bien croche dans leur jeunesse.

Les petits bandits de fond de ruelle du Montréal des années 60, dans le Faubourg à m'lasse, organisent le vol du siècle mais l'argent s'envole. À leur sortie de prison, pour récupérer la somme qui leur est due, les cinq comparses, incarnés par Roy Dupuis, Patrice Robitaille, Claude Legault, Paolo Noël et Jean-Pierre Bergeron, devront marcher les 839 kilomètres du chemin de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Mais le plus important et sûrement le plus difficile, ils devront changer.

L'idée est venue à Ken Scott quand il était attablé dans un café, avec son ordinateur. Près de lui, un groupe d'hommes, des durs de durs tatoués portant des manteaux de cuir, parlaient de leur désir de changer et de leurs blessures émotionnelles. «Il y avait tellement de contrastes entre leur apparence et ce qu'ils disaient que ça a été l'étincelle pour imaginer une bonne comédie dramatique», raconte le scénariste, qui signe du même coup sa première réalisation.

Pour Ken Scott, il y avait dans cette idée le drame associé à l'idée de changer, mais aussi la comédie instantanée créée par ces criminels ratés vêtus de vestons et de souliers cirés, arpentant le chemin spirituel de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Direction : Argentine

Si le fameux chemin de pèlerinage se trouve en Espagne, le réalisateur a choisi de tourner le film en Argentine, puisque les paysages y sont très semblables.

Ken Scott a approché lui-même les comédiens qu'il désirait pour personnifier sa bande de malfrats. «J'ai vraiment travaillé le casting avec minutie. Je voulais des personnages très différents les uns des autres, mais, en même temps, je recherchais une unité», explique-t-il.

Il semblerait qu'il ait réussi, car les comédiens s'entendent pour dire qu'ils ont eu beaucoup de plaisir à travailler ensemble. «Je trouve que la distribution a très bien été faite, chacun campait vraiment bien le personnage qu'il avait à jouer. En plus, d'être pris ensemble pendant presque cinq semaines en Argentine, c'est un plus pour l'histoire qu'on avait à raconter», a raconté Roy Dupuis en interview téléphonique avec Le Soleil.

«C'est du monde avec qui je n'avais jamais travaillé, ça fait découvrir des univers bien différents», mentionne Claude Legault, insistant sur les générations représentées dans le groupe.

Dans le film, le comédien incarne Conrad, le colérique cleptomane un peu niaiseux. «Conrad, c'est un pauvre type, c'est pas quelqu'un d'hyper intelligent. Il est très lent, mais le problème, c'est qu'il le sait et ça lui fait un peu de peine. Il sait qu'il se fait avoir», décrit Claude Legault.

Roy Dupuis a quant à lui hérité du rôle du meneur de la bande, Charles Favreau. «Disons que c'est quelqu'un qui a un certain potentiel, mais je pense qu'il a toujours vécu pour les autres. Il vient d'un milieu de petites crapules où, pour être quelqu'un, il faut être un voleur. Il a réussi à se positionner, mais il n'a jamais vraiment été ça», a raconté Roy Dupuis.

Une copie de son père

Paolo Noël est probablement celui qui a le plus puisé dans son passé pour incarner son personnage de vieux libidineux charmeur sans scrupule. «Le bonhomme ressemblait à mon père, un repris de justice un peu dangereux», raconte le comédien et chanteur.

Jean-Pierre Bergeron revient quant à lui au grand écran dans la peau d'Isidore, qui, sous ses dehors d'haïssable et de grincheux, «est quelqu'un de très souffrant et de très fermé», révèle son interprète.

Pour compléter le tableau, il y a le personnage de Patrice Robitaille, Donald, un grand tarla un peu mou à qui on confie pourtant d'importantes informations. En plus de la belle Maddy, jouée par la Française Aure Atika, qui viendra brouiller les cartes...

Même s'ils ne sont pas des enfants de choeur, les personnages restent attachants, pensent les comédiens. «C'est un scénario très drôle et humain. Outre la légèreté très appropriée pour l'été, il y a aussi le côté coeur qui est venu me chercher», confie Jean-Pierre Bergeron.

«C'est surtout le style, la manière dont l'histoire est racontée», pense de son côté Roy Dupuis. «Je trouve qu'il y a une naïveté dans la façon de raconter cette histoire-là qui me fait penser à d'anciennes comédies, mais en même temps avec une pensée moderne», conclut-il.

Surprise, sur prise

Tourner à l'étranger, de belles petites vacances? Pas pour l'équipe des Doigts croches, qui a rencontré plusieurs imprévus durant les 33 jours passés dans la campagne et les montagnes de l'Argentine. Comme ce tout premier jour de tournage, où Ken Scott a attendu pendant plus de 4 h 30 sa distribution au grand complet, qui s'était perdue en chemin.

«Après avoir filmé des roches pendant quel-ques minutes, il n'y a plus grand-chose d'autre à faire que d'attendre. Heureusement, grâce au talent des acteurs, on a finalement pu filmer toutes les scènes qu'on avait à faire cette journée-là», raconte le réalisateur.

Claude Legault, lui, se souvient très bien de cette chaude journée dans le haut des montagnes qui s'est soudainement glacée avec l'arrivée autour d'eux de nuages et de vent. Il ventait tellement fort, raconte le comédien en riant, que l'équipe avait de la difficulté à se soulager la vessie sans en subir de fâcheuses conséquences.

«Mais c'est ça qui fait le bonheur des aventures et de la vie. On avait quelque chose à se raconter tous les soirs», conclut-il en rigolant.