Que faire avec ses minces indemnités de licenciement? Flinguer le patron, bien entendu! Dans Louise-Michel, Gustave Kervern et Benoît Delépine mettent en scène une ouvrière vengeresse qui, flanquée d'un bras droit sérieusement gauche, veut se payer son patron.


C'est à Angoulême que l'on met la main, au téléphone, sur Gustave Kervern. Emblématique personnage de l'émission satirique française Groland, le cinéaste prépare, avec son complice de longue date, Benoît Delépine, son quatrième long métrage: cette fois, Gérard Depardieu et Isabelle Adjani plongeront dans l'univers rustique et déjanté des deux réalisateurs.


«Avec le Groland, on fait toujours dans les problèmes sociaux. Notre cheval de bataille, c'est vraiment les petites gens», explique Gustave Kervern. Tout naturellement, Louise-Michel s'intéresse à une tendance sociale marquante en France: les délocalisations d'entreprises et la mise sur le carreau de leurs employés.


«On peut dire que Louise-Michel est un film social: on a même hésité à tuer le patron. Ce que l'on fait, cela reste de l'humour. On ne se revendique d'aucun parti politique», précise le réalisateur, qui avait déjà qualifié son film de «mi-Coen, mi-Dardenne». «C'était pour déconner! On adore les Coen comme les Dardenne, entre le sérieux et la déconnade», plaide-t-il.


Dans le Nord de la France - la Picardie -, Kervern et Delépine ont imaginé un petit groupe de femmes qui découvrent un beau matin que leur usine a été délocalisée. Menées par une Louise bourrue (Yolande Moreau), les ouvrières mettent en commun leurs minces indemnités pour faire assassiner leur patron par un professionnel.


Le professionnel, Michel (Bouli Lanners), n'est de toute évidence pas très doué. De fil en aiguille, Louise et Michel solliciteront les services d'une malade du cancer en phase terminale et se retrouveront en Belgique ou dans un paradis fiscal.


«C'est la grande question: où sont les responsables? Tout le monde veut lutter contre les paradis fiscaux même si tout le monde sait qu'ils existeront toujours», estime Kervern.


Yolande Moreau, rodée aux rôles de femmes de peu de mots (notamment dans le césarisé Séraphine) effectue une traque presque silencieuse. «On essaie de faire des films qui sont de l'art brut», dit Kervern. Louise-Michel se démarque aussi par sa facture visuelle - plans fixes - et sonore - pas de bande-son, à l'exception de L'internationale et d'une apparition du chanteur Philippe Katerine.


«On a toujours fait ça pour nos films. C'est une question de budget et on déteste les champs contre champs. Comme on fait des tournages très courts, on soigne nos plans. C'est comme la musique: pour nous, c'est un cache-misère. Dans Louise-Michel, on n'a pas cherché l'esthétisme», poursuit Gustave Kervern.


En dépit du clin d'oeil à la communarde Louise Michel et de la référence à L'internationale, le film Louise-Michel met en scène, aussi, sous le burlesque, un individu laissé seul face à son sort, sans syndicat, sans État. «Vous me hérissez le poil en parlant comme ça», s'exclame Kervern quand on lui fait remarquer cela. «Il y a des petits groupes qui se forment, les gens arrivent à avoir de la solidarité entre eux», proteste-t-il.


Sorti en décembre dernier en France, Louise-Michel, produit par Mathieu Kassovitz, a remporté un succès public et critique plus large que pour les précédents opus Kervern-Delépine (Aaltra et Avida). Rattrapé par la crise, le film a aussi été perçu comme un élément précurseur - sinon annonciateur - des prises en otage de patrons (pacifiques) qui ont eu lieu en France.


«Je suis fier des ouvriers qui font des actions comme ça. On est souvent trop passifs devant l'actualité et la faculté de révolte a tendance à baisser. Souvent, on ringardise la France à cause de ses grèves alors que je trouve ça bien. Sinon, c'est quoi? C'est le boulevard du capitalisme.»


À bon entendeur...


Louise-Michel est présentement à l'affiche.