Créateur des séries Beavis and Butt-Head et King of the Hill, Mike Judge maîtrise l'art de placer la bêtise humaine sous la lentille de son microscope créatif et de la grossir pour la faire éclater au visage de tous - surtout ceux qui pensent ne pas en être atteints. Extract n'est pas l'exception à sa règle de (mé)conduite.

Mike Judge est fasciné par la bêtise humaine. Il en a fait le moteur d'une oeuvre qui compte ses inconditionnels. Et ses détracteurs. Son premier long métrage, Office Space (1991), a connu un échec commercial au cinéma avant de devenir un phénomène-culte en DVD. Quant à Idiocracy (2006), histoire vraiment pas bête d'un homme en hibernation depuis 1000 ans qui se réveille et se découvre la personne la plus intelligente de la planète, il n'a même pas fait l'objet d'une sortie en salle au Québec.

Quant à sa série animée Beavis and Butt-Head (mettant en scène les «exploits» de deux adolescents d'une stupidité crasse et sans aucun sens moral), lorsqu'elle est arrivée sur les ondes de MTV en 1993, elle a causé une onde de choc: «Mais c'est peut-être une question de circonstances. À l'époque, la guerre froide venait de se terminer et il n'y avait plus grand-chose dans l'actualité», fait Mike Judge, un sourire en coin, lors de rencontres de presse tenues à Los Angeles à quelques jours de la sortie de son nouveau film, Extract. «On s'est rabattu sur la dénonciation de la violence à la télévision.» Et de rappeler qu'alors, certaines personnes n'osaient prononcer le nom de Butt-Head (tête-de-cul) à voix haute et que, deux ans après la fin de la série, il a entendu parler d'un séminaire pour enseignants intitulé... «Comment éduquer les enfants à l'ère de Beavis and Butt-Head»! Honnêtement, ça l'étonne encore: «Quand vous nommez un personnage Butt-Head, ça donne une indication. Il n'y a pas d'adultes dans les maisons, pour contrôler la télé? C'est comme si vous laissiez traîner un Hustler sur votre table de cuisine et qu'après, vous vous plaigniez que votre enfant a vu des femmes nues!»

Financement

On peut comprendre (manière de parler) pourquoi le financement d'Extract n'a pas été facile à trouver - même si cette comédie joue un peu plus mollo de la carte de l'irrévérence. «Pour ce genre de projet, il fallait de l'argent «non contrôlant», un financement qui laisserait à Mike l'autonomie dont il a besoin. Son humour est particulier, tout le monde ne le comprend pas, ni ne l'endosse», indique Jason Bateman, en vedette dans cette histoire de triangle ou carré amoureux ayant pour toile de fond une usine d'extraction où l'on fabrique des essences culinaires à partir de plantes et de noix.

Importantes, les noix. Au sens propre comme au sens figuré, plusieurs sont ici broyées.

On suit donc Joel Reynold, propriétaire de ladite usine, qui vit une relation... disons, platonique avec sa femme, Suzie (Kristen Wiig). Bref, ça commence à le démanger quelque part, surtout avec l'arrivée, sur les lieux de travail, de la brûlante Cindy (Mila Kunis). Une bien vilaine fille, comprend-on vite. Sauf que Joel, lui, est un «bon» gars: il ne veut tromper sa femme que si elle le trompe avant - pour éviter les remords (!).

À la suggestion d'un copain barman (Ben Affleck chevelu et barbu, genre de Jésus qui ne prêche pas le bon exemple), il s'arrange pour que Suzie rencontre Brad (Dustin Milligan, voir autre texte), un gigolo dont le cerveau, quand il fonctionne à plein, doit donner dans le 2 watts maximum.

Ajoutez à cela un voisin passif-agressif (David Koechner, à ce point effrayant de bêtise et de mauvaise foi que Jason Bateman avoue qu'en sa présence, «il me suffisait d'être impassible pour provoquer des rires») et un avocat qui se vend par télé-achat (Gene Simmons, oui, celui de Kiss: «Beaucoup d'acteurs voulaient ce rôle mais il était le meilleur et je l'ai engagé... même si je craignais qu'il soit toujours à «l'heure des musiciens», donc toujours en retard. Mais ça n'a jamais été le cas», relate le réalisateur) et vous entrez de plain-pied dans le monde de Mike Judge.

Cols bleus

Son autre monde, en fait, puisqu'après avoir visité les lieux de travail des cols blancs avec Office Space, il explore ici celui des cols bleus. «Quand j'ai commencé à parler de ce projet, raconte-t-il, il me suffisait de mentionner que ça se passait dans une usine où l'on fabrique de l'extrait de vanille pour que les gens se mettent à rire.» Il a donc creusé ce filon, qui lui est apparu à force de voir de telles usines pousser autour d'Austin, ville du Texas où il vit, «et qui sont, d'une certaine manière, une image iconique de l'Amérique».

À partir de là, cet homme qui aime «observer les mécanismes», tant les vrais (mécaniques) que les autres (humains), s'est mis à déboulonner les premiers et les seconds, avec autant de ferveur que de férocité. Préférant le scalpel au tournevis.

Extract prend l'affiche le 4 septembre, en version française et anglaise.

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Équinoxe.